France Culture – Carnets de santé avec Marina Carrère d’Encausse
La loi sur la fin de vie avait commencé à être débattue à l’Assemblée Nationale, mais la dissolution de juin l’a laissé en suspens. Aujourd’hui, où en est-on ? Quand la loi devrait-elle être débattue ? Et quel texte sera présenté ? Pourquoi tant de discussions autour de cette loi ?
Comme beaucoup de familles, Olivier Falorni a été confronté à des fins de vie particulièrement difficiles. Mais le début de son engagement, c’est une rencontre : « J’avais une vingtaine d’années, j’ai rencontré un sénateur, Henri Caillavet, qui avait été rapporteur du texte sur l’IVG en 1974 au Sénat, et qui avait déposé en 1978 une proposition de loi qui parlait de la fin de vie. Lors d’une conférence qu’il avait organisée, il avait expliqué que le sujet de la fin de vie était une question, certes, relative à la santé, mais aussi une question éminemment républicaine, puisque les valeurs et principes de la République étaient interpellés à travers ce texte. […] « C’est par cette réflexion philosophique républicaine que je me suis intéressé au sujet et je me suis engagé fortement, évidemment, dessus. »
Des lois actuelles sur la fin de vie insuffisantes ?
Il existe aujourd’hui deux lois sur la fin de vie. En 2005, la loi Leonetti qui dispose que les actes médicaux ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Et en 2016, la loi Claeys-Leonetti qui pose le principe selon lequel toute personne a droit à une fin digne et apaisée et qui autorise l’administration à la demande de patients et jusqu’au décès de ce qu’on appelle la sédation profonde et continue si le patient est atteint d’une infection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme.
En quoi cela n’est-il pas suffisant ?
Pour le député les démocrates : « Aujourd’hui, le droit de ne pas souffrir, le droit de ne pas subir semble évident. Pourtant, ce n’était pas acquis. Et ces deux textes ont permis ces deux droits-là. Mais aujourd’hui, il s’agit de rendre concrets ces droits et de faire en sorte que, véritablement, ils puissent s’exercer, en tout cas que les citoyens puissent s’en saisir. Aujourd’hui, on voit bien qu’il y a un manque en termes d’accès aux soins palliatifs, mais dans tous les cas, malheureusement, parce que la médecine humaine atteint parfois ses limites, les soins palliatifs ne peuvent pas tout. Et il y a un certain nombre de souffrances réfractaires, des souffrances que rien ne peut soulager. »
Pourquoi la France est-elle en retard dans l’adoption de lois sur l’aide active à mourir ?
Pour le rapporteur général du texte de la loi sur la fin de vie à l’Assemblée, la France n’est pas un pays conservateur sur les questions de société : « je crains que ce soit la représentation nationale qui soit en décalage avec le pays. Cet hémicycle a été en décalage au moment de la loi Veil. Il l’a été aussi au moment du mariage pour tous. Ces deux textes ont quand même pu être votés. Mais j’ai parfois le sentiment qu’on est toujours à la traîne par rapport à l’opinion publique. »
Pourtant, les Français veulent que les choses évoluent. Un avis du 13 septembre 2022 du comité consultatif national d’éthique a ouvert la voie à une aide active à mourir strictement encadrée. Le 2 avril 2023, la convention sur la fin de vie s’est majoritairement prononcée pour une évolution du droit vers une aide active à mourir. Un texte a finalement été présenté à l’Assemblée nationale, mais le débat a été interrompu par la dissolution le 9 juin dernier. Pour le rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale : « le travail qui a été fait a été remarquable, l’avis a été extrêmement clair. Maintenant, il faut que ce que l’on appelle la démocratie participative, citoyenne, se traduise dans l’hémicycle par le vote d’une loi. » Dans ce texte, ni le mot euthanasie, ni le suicide assisté ne sont mentionnés. Pour Olivier Falorni : « il est plus adapté de parler d’aide à mourir, c’est parfaitement clair, et je pense que c’est l’expression qui doit être utilisée. »
Des pays voisins ont adopté des lois sur l’aide active à mourir. La Belgique, il y a maintenant plus de 20 ans, plus récemment le Portugal, l’Espagne.
Le risque de dérive ?
Il y a plus de 20 ans, la Belgique a été l’un des premiers pays à avoir dépénalisé la loi sur la fin de vie. Pour Olivier Falorni : « évidemment, les opposants disent, mais ça augmente. Quand vous avez une population qui augmente, quand en plus, vous avez une population qui vieillit et que, par définition, ce sont les personnes les plus âgées qui sont les plus susceptibles d’être atteintes de pathologies graves et incurables, eh bien oui, vous avez une augmentation mécanique du nombre de cas, mais en pourcentage, c’est 3,1 % en 2023, 20 ans après le vote de la loi, donc parler d’explosion de cas, c’est faux. Là où il y a le plus de dérives sur la fin de vie, ce n’est pas en Belgique, ce n’est pas au Luxembourg. C’est en France parce que pour moi, la principale dérive ce sont les euthanasies clandestines dont on ne sait rien. »
Pour l’instant, la reprise des débats à l’Assemblée nationale est prévue pour le 3 février. Une date qu’Olivier Falorni n’aimerait pas voir reporter, car pour lui : « on ne peut pas accepter de reporter en permanence cette grande réforme de société que les Français attendent. »
Aujourd’hui, où en est-on ? Quand la loi devrait-elle être débattue ? Et quel texte sera présenté ? Pourquoi tant de discussions autour de cette loi ? Que défendent les pour ? Que contestent les contre ? Il en est question durant deux numéros de Carnet de santé. En effet, le principe de l’émission étant de n’avoir qu’un invité, je ne pouvais par honnêteté choisir un défenseur ou un opposant à cette nouvelle loi.
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