France Culture – Fin de vie, fin du débat ?

La loi sur l’aide à mourir sera-t-elle votée avant 2027 ? Le Sénat reporte à nouveau l’examen du texte.

 

Dans un monde politique normal, je serais venu avec un autre éditorial ce matin. Je vous aurais raconté un débat – celui sur la fin de vie, les soins palliatifs, l’aide à mourir. Je ne pourrai pas vous le raconter, pour une raison simple : il n’a pas eu lieu.

 

Ce débat était prévu, pourtant ! Deux semaines de discussion au Sénat, et un vote solennel, hier, au Palais du Luxembourg… Aujourd’hui, vous pouvez oublier ce calendrier. Il n’y a pas eu de vote, pas de discussion. Tout est reporté, encore une fois, et sans aucune certitude. Aucun débat n’est programmé. Tout est bloqué, c’est-à-dire les deux textes concernés : le premier sur les soins palliatifs, qui est très consensuel ; le deuxième sur le suicide assisté, plus controversé.

 

Ces deux propositions de loi se retrouvent dans un tiroir. Et ce, alors qu’elles portent sur un sujet majeur, concret, qui intéresse tous les Français, et alors que les députés ont fait leur part. Au printemps dernier, l’Assemblée nationale avait pris le temps d’examiner ces textes. Les députés avaient discuté longuement, sérieusement. Ils avaient amendé le texte sur l’aide à mourir, avant de l’adopter, largement, en première lecture : 305 voix pour, 199 voix contre.

 

La suite, c’était au Sénat de l’écrire, avant un retour devant l’Assemblée, puis une nouvelle lecture au Palais du Luxembourg, et ainsi de suite, jusqu’à une adoption définitive avant 2027, avant l’élection présidentielle. C’était prévu ainsi. Est-ce encore possible ? Le doute grandit. Le calendrier se resserre. Le débat va-t-il s’arrêter là ? Peut-être. C’est consternant.

 

Qu’est-ce qui bloque ? L’instabilité politique. Encore elle ! Cette instabilité qui ravage tout sur son passage. Pourquoi le Sénat reporte-t-il ce débat ? Parce qu’il n’a plus le temps de le mener maintenant. La tragi-comédie de la rentrée a tout décalé : la chute de François Bayrou, la nomination de Sébastien Lecornu, sa démission, sa renomination… Pendant que des ministres entrent et sortent, le travail de fond est mis en sourdine.

 

Aujourd’hui, la priorité, c’est le budget. Le débat budgétaire va occuper le Parlement jusqu’à la fin de l’année. Peu de place pour le reste, surtout pour un sujet qui demande du temps, et un minimum de sérénité.?? La discussion sur la fin de vie attendra. Ce n’est pas la première fois. C’est la troisième ! A chaque fois, le même scénario : une péripétie politique reporte le débat. L’an dernier, la dissolution, puis la chute de Michel Barnier. Cette fois, le feuilleton de la rentrée. Mêmes causes, même conséquence : pas de débat.

 

Est-ce que tout le monde est navré ? Non. Cette proposition sur l’aide à mourir, la droite sénatoriale la combat. Ce débat-là, une partie des sénateurs n’est pas pressée de l’avoir. Le député centriste qui a défendu ce texte va plus loin. Il s’appelle Olivier Falorni. Il dénonce une forme de « sabotage « .

 

Y a-t-il une issue ? Le gouvernement affirme que oui. Il va proposer au Sénat d’examiner les deux propositions de loi au début de l’an prochain, après le budget. Il l’annonce, en tout cas. Va-t-il le faire ? Sinon, il existe bien une autre voie : le référendum. L’exécutif pourrait consulter directement les Français. Emmanuel Macron l’envisage, ou l’envisageait. C’était au mois de mai, sur TF1 : « S’il y a un enlisement, le référendum peut être une voie pour débloquer »... Le chef de l’Etat y pense-t-il toujours ?

 

Il faut une solution. Il faut avancer. Pour des raisons de fond, bien sûr, encore une fois, sur cette question centrale de la fin de vie ; mais pour des raisons démocratiques aussi. Le débat avait bien commencé, avec une convention citoyenne exemplaire. Il a bien continué, à l’Assemblée, avec des tensions – c’est normal – mais avec beaucoup de respect. Il doit se poursuivre. Les Français l’attendent. Ils y ont droit

 

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