La Croix – Projet de loi fin de vie : l’incontournable Olivier Falorni

Les membres de la Commission spéciale chargée d’examiner le texte gouvernemental ont jusqu’au 7 mai pour déposer leurs amendements. L’occasion de revenir sur l’engagement du rapporteur général, défenseur de longue date de  l’aide à mourir, qui promet de « défendre ses convictions, sans imposer de certitudes ».

 

Dans le débat sur la fin de vie qui occupe le pays depuis plus d’un an et demi, le député Olivier Falorni, militant de longue date d’une aide active à mourir, s’impose comme une figure d’influence incontournable. Auteur d’une proposition de loi pour « une fin de vie libre et choisie » restée lettre morte lors de la législation précédente, l’élu de Charente Maritime persévère plus que jamais pour son troisième mandat. Au printemps dernier, il a présidé aux travaux de la mission parlementaire d’évaluation la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui fixe le cadre légal actuel. Dans la foulée, il a pris la tête du  groupe d’études de l’assemblée nationale sur la fin de vie, succédant à son collègue et ami, l’ex-député et médecin de formation Jean-Louis Touraine, qui a longtemps incarné, au Palais-Bourbon, la bataille pour la légalisation de l’euthanasie. Aujourd’hui, il occupe le poste stratégique de rapporteur général de la commission spéciale chargée  l’examiner et d’amender le projet de loi gouvernemental qui prévoit d’ouvrir l’accès sous conditions à une mort programmée avant le débat public prévu dans l’hémicycle à partir du 27 mai.

 

Sourire aux lèvres mais le ton assuré, Olivier Falorni s’en défend. « Ma boussole politique, ce sont les quatre points cardinaux de la République : liberté, légalité, fraternité et laïcité. Toute ma vie de parlementaire est consacrée à faire respecter ces principes. Si je me suis engagé pour la cause de la fin de vie – je préfère cause au mot de combat -, c’est précisément au nom de la capacité d’autodétermination des patients qui restent des citoyens jusqu’au bout », plaide-t-il. Un engagement qui remonte à loin et s’enracine dans la pensée des radicaux de gauche de la fin des années 1980 qui inspire alors le jeune homme qui se destine à enseigner l’histoire-géographie. «Mon éveil à la question s’est fait lors d’une conférence organisée par le maire de La Rochelle, Michel Crépeau durant laquelle Henri Caillavet, grande figure du mouvement, a expliqué que le libre arbitre des malades n’était pas respecté.

 

Cela m’a frappé. À 18-20 ans, je considérais volontiers qu’un citoyen pouvait revendiquer une aide à mourir s’il estimait que sa vie ne valait plus la peine d’être vécue. Une sorte de philosophie gréco-romaine absolue qui a beaucoup évolué au fil du temps, en confrontant la théorie au réel », raconte-t-il. Un autre élément, plus intime, est sans doute à prendre en compte : la mort de sa mère, survenue en 2011 des suites d’un cancer. Un drame qu’il évoquera avec pudeur, en décembre 2013, lors d’une question au gouvernement adressée à la ministre de la santé d’alors, Marisol Touraine. « La médecine est capable de prolonger la vie de façon artificielle. Elle doit pouvoir l’abréger quand c’est la volonté de la personne. La dignité est un droit, elle exige une loi ? c’est notre devoir », lâche-t-il. Le devoir d’un fils en mémoire de sa parente ? Là encore, Olivier Falorni remet les pendules à l’heure : « Cette
prise de parole a sans doute humanisé la cause mais a aussi créé la confusion sur le moteur de mon engagement qui n’est ni personnel, ni émotionnel même si ce moment douloureux de ma vie m’a conforté dans mes convictions », précise-t-il.

 

Ainsi, en 2015, l’ancien socialiste – sa candidature dissidente face à Ségolène Royal aux législatives de 2012 lui ayant valu l’exclusion du parti – vote l’amendement Touraine qui propose une « aide médicalisée à mourir », finalement écarté de la loi Claeys-Leonetti. En octobre 2017, il récidive avec une proposition de loi ouvrant « droit à une fin de vie libre et choisie » qui va connaître un destin singulier. En sommeil pendant deux ans, le texte est examiné dans une niche parlementaire le 8 avril 2021. Son article 1 qui institue l’euthanasie est adopté à une forte majorité mais l’ensemble du texte sera bloqué par l’obstruction des députés LR qui déposent des milliers d’amendements. « Vous avez déjà perdu », leur réplique alors Olivier Falorni qui interprète aujourd’hui cet épisode comme un « moment de bascule ». « Pour la première fois, la représentation nationale affirmait sa volonté d’aller vers l’aide à mourir. À un an de la présidentielle, le signal politique envoyé était clair et net», se souvient-il.


Le candidat Macron le reçoit 5 sur 5 qui s’engage, en cas de second mandat, à convoquer une Convention citoyenne sur le sujet. La suite est connue  celle-ci va se prononcer à une forte majorité en faveur d’une ouverture de l’aide à mourir qui débouche sur le projet de loi actuel.

 

Mais Olivier Falorni se refuse à revendiquer une victoire. « J’ai des convictions à faire valoir, mais pas de certitudes à imposer. Sur ce sujet où il est question de vie et de mort, toutes les opinions doivent être entendues. Comme il est  important de maintenir l’équilibre d’un texte qui consacre la liberté de l’individu, tout en l’inscrivant dans des règles et des limites », promet-il. Une attitude de prudence qui devrait lui permettre de rassembler les différentes sensibilités de la majorité présidentielle, à défaut de rallier les opposants au texte.

 

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