LCP – Fin de vie : Des députés mettent la pression sur le gouvernement pour relancer les travaux législatifs
L’examen du projet de loi sur la fin de vie, en cours à l’Assemblée nationale au moment de la dissolution prononcée par Emmanuel Macron, sera-t-il réinscrit à l’ordre du jour ? Si le gouvernement n’en prenait pas l’initiative, les partisans du texte au Palais-Bourbon souhaitent relancer les travaux législatifs en s’appuyant sur une proposition de loi d’Olivier Falorni, notamment signée par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
Ce fut l’une des victimes collatérales de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron le 9 juin dernier. L’examen en cours du projet de loi sur « l’accompagnement des malades et de la fin de vie » avait alors été brutalement interrompu, en même temps que l’ensemble des travaux de la XVIe législature. Qu’à cela ne tienne, le rapporteur général du texte, Olivier Falorni (Les Démocrates) a déposé une proposition de loi reprenant le contenu du projet de loi tel qu’amendé par les députés lors de son examen en première lecture.
Une initiative approuvée et signée par 180 députés, dont la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), François Hollande (Socialistes et apparentés), l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne (Ensemble pour la République), et trois présidents de groupes de gauche Mathilde Panot (La France insoumise), Boris Vallaud (Socialistes et apparentés) et Cyrielle Chatelain (Écologiste et Social).
Le 24 septembre, Yaël Braun-Pivet s’est dite « particulièrement attachée » au texte sur la fin de vie, indiquant qu’elle souhaitait qu’il soit « réexaminé à l’Assemblée avant la fin de l’année« . Un signal positif pour Olivier Falorni, qui espère que les travaux législatifs sur la fin de vie pourront reprendre au cours de l’automne.
« J’ai souhaité que Yaël Braun-Pivet figure en deuxième place sur ce texte« , indique le député, qui compte passer la barre des 200 signataires d’ici à la fin de la première semaine d’octobre. Fort du soutien de la présidente de l’Assemblée et de plusieurs présidents de groupe, Olivier Falorni veut croire que sa proposition de loi pourra être inscrite à l’ordre du jour en novembre, lors d’une semaine dont le programme est fixé, non par le gouvernement, mais par l’Assemblée nationale.
« Tous les curseurs sont en notre faveur« , abonde Stéphane Delautrette (Socialistes), défenseur du texte : « le cadre transpartisan est respecté, les signataires sont nombreux avec plusieurs présidents de groupes, et une majorité à la Conférence des présidents qui est plutôt favorable à ce que le texte soit examiné« , fait valoir le député.
« Ce texte a vocation à rester une proposition de loi« , précise Olivier Falorni, au contraire de celle qu’il avait présentée en 2021 dans le cadre d’une « niche parlementaire », alors pensée comme un « texte d’appel » pour pousser l’exécutif à se saisir de la question. « Il a vocation à s’inscrire dans la tradition législative en matière de fin de vie« , ajoute Olivier Falorni, rappelant que les lois Leonetti de 2005, et Claeys-Leonetti de 2016, étaient également issues de propositions de parlementaires.
Si le député insiste davantage sur son texte que sur le projet de loi qui avait été présenté en mars dernier par Emmanuel Macron lui-même, c’est qu’il est lucide quant à la configuration actuelle du gouvernement, au sein duquel figurent de « farouches opposants très visibles » à l’instauration d’une aide à mourir. À titre d’exemple, en 2021, le désormais ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Patrick Hetzel, était l’un des cinq députés LR ayant déposé à eux-seuls 2500 amendements, afin de faire obstruction à la proposition de loi portée par Olivier Falorni.
« Une semaine, c’est juste« , admet cependant le député de Charente-Maritime, qui estime que s’il était inscrit à l’ordre du jour en novembre, il est plus que probable que son texte ne pourrait pas être entièrement examiné dans le temps imparti, ce qui nécessiterait de programmer la suite de la discussion sur au moins une autre semaine dite « de l’Assemblée », un peu plus tard dans la session parlementaire.
« Lors de l’examen du projet de loi sur la fin de vie, nous avions consacré plus de deux semaines complètes aux deux tiers du texte« , constate également Stéphane Delautrette, pointant le risque d’un examen morcelé de la proposition de loi, bien qu’elle soit le prolongement du texte déjà amendé par les députés en juin dernier, qui ne repartira donc pas « de zéro« .
Autre difficulté, l’attitude du Sénat, où Les Républicains sont majoritaires, qui ne se montrera pas forcément prompt à inscrire le texte à son ordre du jour, si le gouvernement décide de ne pas relancer lui-même les travaux législatifs via le projet ou la proposition de loi d’Olivier Falorni.
« Une proposition de loi sur la fin de vie n’est pas une proposition de loi comme les autres« , considère cependant l’ex-rapporteur du projet de loi. « Si le Sénat s’avisait de ne pas l’inscrire à l’ordre du jour, il se décrédibiliserait tant la pression de l’opinion publique est forte sur le sujet« . Un constat contre lequel le député Droite républicaine Thibault Bazin s’inscrit en faux : « Moi qui fais beaucoup de terrain, j’ai enchaîné le réunions publiques durant ma campagne [législative], et le sujet ne vient pas« . Pour cet opposant à l’instauration d’une aide aide à mourir, les priorités portent plutôt sur le pouvoir d’achat, l’éducation, le logement, ou encore les questions agricoles.
D’autant que Thibault Bazin en est convaincu, en cas de nouvelle dissolution en juillet prochain, le texte n’aura pas eu le temps d’aboutir, ne serait-ce qu’en première lecture. « Pour la dernière loi de bioéthique, on a commencé à travailler en 2018 pour aboutir en 2021. Le temps législatif est déjà très limité, est-ce qu’on a intérêt à s’engager sur un texte qui n’ira pas à son terme en 10 mois ?« , argumente-t-il aussi. « Dans un contexte très chaotique, c’est un sujet très risqué« , estime en outre Thibault Bazin, ajoutant que « ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas travailler pour améliorer les conditions de la fin de vie« . Le député de Meurthe-et-Moselle évoque notamment la possibilité d’inscrire des moyens pour les soins palliatifs dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui sera examiné cet automne.
« On est effectivement dans un temps d’incertitude, on ne sait pas si cette législature ira au-delà d’une année« , concède Olivier Falorni. Celui qui avait été rapporteur du projet de loi examiné au printemps dernier espère « au moins une première lecture de la proposition de loi d’ici juin pour que le parcours du texte puisse se poursuivre« . Car un texte adopté en première lecture dans l’une des deux assemblées poursuit sa navette parlementaire, même en cas de dissolution. Ce qui n’avait pas été le cas pour le précédent projet de loi, dont l’examen avait été interrompu avant que les députés n’aient le temps d’aller au vote.
« On ne va pas refaire l’histoire, mais si la dissolution avait eu lieu le 20 juin, les choses auraient été très différentes« , regrette aussi Olivier Falorni, qui souligne le choc qu’a pu représenter l’arrêt brutal de l’examen du projet de loi pour les malades qui nourrissaient un espoir dans son adoption, même si le texte n’en était qu’au tout début de son parcours législatif. « J’étais ce matin même aux obsèques de Loïc Résibois, atteint de la maladie de Charcot et qui avait souvent témoigné dans les médias ces derniers temps pour réclamer une aide à mourir. Même si l’adoption du texte ne serait certainement pas intervenue à temps pour lui, ce qu’il s’est passé en juin dernier l’avait fortement impacté« , témoigne le député.
Malgré « un parcours semé d’obstacles« , Olivier Falorni reste donc déterminé à faire voter l’instauration d’une aide active à mourir. « Ce n’est pas un 110 mètres haies, c’est un marathon avec haies. Dans ce combat là, il vaut mieux être optimiste et y croire. De toute façon tant que je serai député, je ne lâcherai pas« , assure-t-il aussi, avant d’évoquer un moyen pour la démocratie représentative, souvent décriée par l’opinion, de rehausser son image. « C’est typiquement un texte qui peut permettre à l’Assemblée de donner le meilleur visage d’elle-même, avec un débat de fond, sans consignes de vote, une forme d’antidote à ce que les Français détestent, à savoir le jeu des postures politiciennes et des affrontements stériles« .
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