Le Télégramme – Fin de vie : une loi qui se fait attendre, des positions qui se tendent

Les partisans d’une légalisation du suicide assisté ou de l’euthanasie s’impatientent, les opposants s’inquiètent… Régulièrement reportée par le gouvernement, la future loi sur la fin de vie suscite un regain de tensions, sur fond de fuites sur son contenu.

 

 L’aide active à mourir ne peut pas être effective en 2024 », a admis mercredi, sur franceinfo, la ministre déléguée à la Santé, Agnès Firmin-Le Bodo, qui porte ce projet de loi depuis des mois.

 

Changer la loi sur la fin de vie, qui actuellement n’autorise ni suicide assisté ni euthanasie mais admet une « sédation profonde et continue » en cas de souffrances intolérables, c’était l’une des promesses de campagne du président Emmanuel Macron.

À sa demande, une convention citoyenne, réunissant des Français tirés au sort, a délibéré sur le sujet et s’est prononcée au printemps pour ouvrir une « aide active à mourir », terme recouvrant potentiellement l’euthanasie et le suicide assisté, un avis certes sans valeur légale.

Le projet de loi, justement, se fait attendre. Promis initialement pour la fin de l’été 2023, il est désormais prévu pour fin février 2024. Et ce n’est que le début d’un long processus d’examen législatif qui, selon Agnès Firmin-Le Bodo, devrait prendre « 18 mois ».

 

Le gouvernement fait face à un sujet particulièrement sensible. Si plusieurs sondages d’opinion jugent les Français majoritairement favorables à une légalisation d’une aide à mourir, cette perspective suscite l’opposition des cultes et d’un grand nombre de soignants.

 

En attendant, et alors que les intentions d’Emmanuel Macron restent incertaines, les spéculations perdurent sur le contenu final du texte, alimentées par des fuites récurrentes dans la presse. Dernier exemple en date, le Figaro a révélé jeudi une version provisoire, dont Le Monde s’était déjà fait l’écho mi-novembre, où sont bien présentes les possibilités de recourir à d’importantes conditions au suicide assisté, voire à l’euthanasie.

 

Ce document, qui remonte à octobre, prévoit toutefois d’importantes conditions : que le patient soit majeur, qu’il soit capable de manifester sa volonté clairement, que son pronostic vital soit engagé à court ou moyen terme, et que ses souffrances physiques – donc pas seulement psychologiques – soient intolérables.


L’euthanasie, qui suppose l’intervention d’un tiers, ne serait, elle, possible que si le patient est incapable physiquement d’accomplir l’acte. Un soignant pourra s’en charger, mais également toute « personne volontaire » et désignée par le patient.

 

En l’état, ce projet a suscité la vive opposition de nombreuses organisations de médecins et d’infirmiers qui ont dénoncé, jeudi, un « contenu indigent » dans un communiqué regroupant notamment plusieurs sociétés de gériatres et de soignants spécialisés en soins palliatifs.

 

Les critiques se portent sur de nombreux points, comme le fait qu’un seul médecin porte la responsabilité d’accepter ou non la demande d’être aidé à mourir.

 

Mais un terme suscite particulièrement la colère : le « secourisme à l’envers ». Cela signifie qu’un soignant pourra hâter le décès si l’administration de la substance létale se passe mal.

 

« Nous ne serons pas les professionnels du secourisme à l’envers », insistent les signataires, parmi lesquels la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), rétive de longue date à un changement de législation.

 

Interrogé par l’AFP, le cabinet d’Agnès Firmin Le Bodo a souligné que cette version remontait à plusieurs mois et que « le travail se poursuit ». Quant aux partisans d’une légalisation d’une aide à mourir, ils estiment que le texte va dans le bon sens mais reconnaissent des maladresses.

 

« Sur le fond, c’est une bonne base de départ », estime le député Olivier Falorni, apparenté à la majorité et défenseur d’une légalisation de l’euthanasie. « En revanche, la formule du secourisme à l’envers est d’une stupidité sans nom et ne correspond en rien à l’esprit de ce texte. »

 

Pour le parlementaire, qui souhaite un texte effectif dès 2024, le gouvernement pèche plutôt par sa lenteur, une position partagée par d’autres défenseurs d’un changement de loi.

 

À cause des reports du gouvernement, de nombreux Français « décéderont dans des conditions qu’ils n’ont pas souhaitées, probablement après une agonie insupportable », a jugé mercredi l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

 

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