Proposition de loi créant le statut d’établissement public local d’enseignement primaire
En reconnaissant le caractère essentiel de la fonction de directrice ou de directeur d’école, la loi n° 2021‑1716 du 21 décembre 2021 a permis de simplifier un peu leur quotidien et permettre ainsi un meilleur fonctionnement de nos écoles primaires.
Si l’organisation du système scolaire public du premier degré reconnait désormais la fonction de directrice ou de directeur d’école pour veiller à la bonne marche de l’école, le statut juridique des écoles n’a que peu évolué depuis la loi Guizot du 28 juin 1833 faisant obligation aux communes d’entretenir les écoles primaires. Cette obligation a été confirmée par les lois Jules Ferry (1880 et 1882), la loi Goblet (30 octobre 1886) et la loi du 22 juillet 1983. Une école n’est pas un établissement public comme un collège ou un lycée. Elle n’a ni personnalité juridique, ni autonomie financière.
Nous pouvons nous réjouir que nos écoles primaires, maternelles et élémentaires, partout sur notre territoire, remplissent les fonctions qui leur incombent. Cependant, depuis plusieurs décennies, de trop nombreuses difficultés persistent. Malgré l’augmentation des missions confiées à nos écoles, les moyens, notamment juridiques et administratifs, qui sont à leur disposition demeurent insuffisants.
L’école primaire publique relève de la responsabilité partagée entre deux personnalités morales distinctes : d’une part la commune, propriétaire des locaux, chargée du financement et de l’organisation du fonctionnement matériel ; et d’autre part l’État, responsable des contenus pédagogiques et des enseignants.
Dans le code de l’éducation, pour le premier degré, la seule entité juridiquement définie et instituée est le conseil de l’école. Cet organe est composé de membres de droit et de membres élus, selon les dispositions prévues par les articles D‑411‑1 à D‑411‑9 du code de l’éducation. Cependant, le conseil d’école ne dispose que d’un pouvoir décisionnaire extrêmement limité. En effet, son rôle se cantonne à donner des avis et à présenter des suggestions sur le fonctionnement et la vie de l’école ; ainsi qu’à adopter le règlement intérieur et le projet d’école. Ces deux derniers textes sont d’ailleurs étroitement encadrés par les normes nationales en la matière et soumis à la validation du seul chef de service direct de l’école primaire : l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale.
Dans une certaine mesure, la loi n° 2021‑1716 du 21 décembre 2021 a permis de changer la donne, en donnant à la directrice ou au directeur d’école le pouvoir d’entériner les décisions du conseil d’école et de les mettre en œuvre, sans attendre la validation du directeur académique, mais simplement en informant l’inspection académique, laquelle doit alors vérifier que l’école se conforme, dans ses décisions, aux réglementations et directives programmatiques en vigueur. Il s’agit d’une avancée ; néanmoins, les compétences de ce conseil demeurent modestes.
Par ailleurs, la répartition des moyens entre les écoles est également problématique. En effet, on constate, sur notre territoire, une différenciation des moyens dont les écoles disposent selon leur environnement économique, social, géographique et démographique ; ainsi que du volontarisme politique des communes dont elles dépendent. La création des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) a en partie essayé de répondre à cette problématique matérielle et pédagogique, particulièrement pour les territoires ruraux. Les réseaux d’éducation prioritaires ont eux aussi été déployés pour lutter contre ces inégalités. Plus récemment mis en place, des dispositifs tels que les cités éducatives et les territoires éducatifs ruraux ont aussi vocation à apporter des solutions à ces problématiques. Toutefois, les réponses apportées par ces différents dispositifs demeurent partielles.
Aussi, pour apporter une solution pérenne et globale, la présente proposition de loi entend donner un statut juridique aux écoles maternelles, élémentaires et primaires pour en faire des établissements publics locaux d’enseignement primaire. Ce statut permettrait de donner les moyens aux équipes pédagogiques, en concertation avec les acteurs locaux, de concrétiser les projets adaptés à leurs écoles. Ce statut permettrait à une ou plusieurs écoles de s’organiser en établissement public :
– qui reste à taille humaine ;
– qui permette de disposer d’une autonomie suffisante pour définir et mener les choix éducatifs et pédagogiques, en disposant de moyens pour agir en fonction de la réalité des territoires et des projets éducatifs locaux ;
– qui permette de décider localement de l’organisation de la journée de l’enfant, en favorisant le dialogue avec les partenaires, notamment dans le cadre de projets éducatifs territoriaux (PEDT) ou de la politique de la ville ;
– qui clarifie, si besoin est, les responsabilités des différents acteurs, particulièrement sur le temps méridien.
Comme le souligne le SGEN‑CFDT, donner un statut d’établissement public aux écoles, « c’est reconnaître les personnels dans le collectif de travail qui œuvre au quotidien pour la réussite de tous les élèves. »
Comme tout changement structurel, la création de ce statut nécessite un travail de fond et de proximité avec l’ensemble de la communauté éducative. Aussi, ce texte de loi propose de mener cette réflexion de terrain en passant par la voie de l’expérimentation. Cela répond aux exigences de certains syndicats, notamment du SE‑UNSA, qui précise que « cette transformation de l’école au statut non identifié vers un établissement public d’enseignement ne peut se faire de façon uniforme et à marche forcée. L’expérimentation sur la base du volontariat conjoint des collectivités et des équipes est nécessaire. » Trop souvent, les personnels de l’Éducation nationale comme les élus locaux se voient imposer des réformes par le haut. Il est donc ici proposé de laisser ces acteurs se saisir de cette possibilité supplémentaire, au service du bon fonctionnement de l’école et de la réussite scolaire de nos enfants.
Naturellement, cette transformation ne peut être menée dans la précipitation ou l’urgence. Aussi, ce texte prévoit une expérimentation sur 5 ans, accompagnée d’une évaluation du conseil d’évaluation de l’école (CEE) afin d’étudier la possibilité d’une généralisation. Pour piloter chaque établissement public local d’enseignement primaire, un conseil d’école sera mis en place, réaffirmant le rôle de chacune des parties prenantes de la vie à l’école et présidé par la directrice ou le directeur d’école.
Le projet de ces établissements veillera ainsi à trouver un équilibre entre la liberté pédagogique de chaque enseignant, le projet éducatif territorial porté par la municipalité et les interactions, impératives, entre tous les acteurs. En réajustant le pouvoir de décision de chacun au sein du conseil d’école, qui devient administrateur de l’établissement public local d’enseignement primaire, la place de la municipalité se voit également réaffirmée. Tels sont donc les objets de cette proposition de loi.
L’article 1er propose la création d’un statut d’établissement public local d’enseignement primaire.
Ce nouveau statut se déploierait naturellement dans le respect strict des programmes nationaux, des règles de recrutement des personnels de l’éducation nationale et des prérogatives des municipalités en ce compris sur la gestion des temps qui leur incombent.
Le conseil d’école devient administrateur de l’établissement sous la présidence du ou de la directrice de l’école et des décrets d’application préciseront les modalités d’application pour sa mise en place. Néanmoins, nous précisons ici l’intention du législateur. Si l’équipe pédagogique est composée de moins de 4 enseignants, tous les enseignants titulaires ou non titulaires affectés à l’EPLEP seront réputés élus au conseil d’école permettant ainsi d’éviter la tenue d’élection.
Cet article établit aussi que les directrices et directeurs d’école, qui demeurent statutairement des enseignants, bénéficient d’une décharge totale d’enseignement lorsque leur établissement compte au moins 10 classes. Dans le cas où cet établissement regroupe plusieurs sites, une décharge d’enseignement supplémentaire est octroyée à la directrice ou au directeur d’école si l’établissement est composé de moins de 10 classes. Enfin, cet article précise que pour les établissements de plus de 18 classes, un poste d’aide administrative est créé.
Afin de donner une certaine autonomie financière à ces établissements, cet article propose qu’une convention entre la ou les collectivités de tutelle et l’État soit signée dans le but de désigner un agent comptable. L’ordonnateur des finances demeure le Maire en ce qui concerne le financement du matériel et des bâtis. Le conseil d’école devient ainsi décisionnaire de son organisation pédagogique. En disposant d’une identité juridique, l’établissement public local d’enseignement primaire peut ainsi obtenir des subventions en son nom propre et, au travers de son organe de décision, adopter des projets pédagogiques ou des aménagements matériels nécessaires à la réussite des élèves qui lui sont confiés. Ces projets pédagogiques et/ou aménagements matériels devront faire l’objet, en amont, d’un travail et d’un accord préalable de la municipalité, si ces derniers impactent de quelque manière que ce soit les ressources de la municipalité tant sur le plan organisationnel, financier, que sur le plan des ressources humaines.
L’article 2 prévoit la création de pôles éducatifs territoriaux réunissant les acteurs publics et associatifs œuvrant dans les domaines de l’éducation, du sport, de la culture et de la jeunesse, sur les modèles des cités éducatives ou des territoires éducatifs ruraux. Ces pôles permettraient de mettre en œuvre une stratégie locale ambitieuse, un engagement continu ainsi qu’une coordination étroite des acteurs éducatifs pour contrer les logiques de ségrégation, de discrimination et de décrochage. Ces pôles éducatifs territoriaux seront présidés par le Maire ou par l’un de ses représentants. Les organes de gouvernance de ces pôles éducatifs territoriaux seront constitués par les acteurs du territoire concourant au parcours éducatif des enfants sur le territoire.
L’article 3 modifie le code de l’éducation pour y faire figurer les établissements publics locaux d’enseignement primaire.
L’article 4 créé le principe de l’expérimentation. Il précise que les règles de cette expérimentation seront prises par décret en Conseil d’État.
L’article 5 précise les conditions de l’évaluation de l’expérimentation par le conseil d’évaluation de l’école.
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