Proposition de loi portant création d’un ordre national des audioprothésistes

Depuis la loi n° 67‑4 du 3 janvier de 1967 qui a officiellement établi leur profession, les audioprothésistes se sont structurés pour devenir des professionnels de santé incontournables du parcours de soins des personnes malentendantes en France. En seulement dix ans, leur nombre a presque doublé, passant de 2 441 professionnels en 2013 à 4 478 en 2023. Cette croissance répond à un enjeu majeur : la prise en charge des troubles auditifs, dont la prévalence augmente avec l’âge. Aujourd’hui, 6 % des 15‑24 ans, 9 % des 25‑34 ans, 18 % des 35‑44 ans, et plus de 65 % des personnes de plus de 65 ans sont touchés par la surdité (INSERM). Avec le vieillissement de la population, où une personne sur trois aura plus de 60 ans d’ici 2040, les audioprothésistes occupent et occuperont un rôle central dans la prise en charge de cette problématique de santé publique en France.

 

La très grande majorité des 4 478 audioprothésistes en France exerce avec un souci de qualité du service rendu aux patients, dans un environnement adapté à une bonne prise en charge, et sans messages publicitaires ou commerciaux trompeurs. Cependant, comme dans toutes les professions de santé, une minorité, parfois mal formée, plus axée sur des objectifs quantitatifs que qualitatifs, ou cherchant à exploiter la solidarité de notre système de soins, nuit à la réputation et à la qualité de cette profession.

 

La réforme du 100 % Santé a considérablement augmenté le nombre de patients équipés d’aides auditives en supprimant les coûts associés aux prothèses auditives de classe 1. Le nombre de prothèses auditives vendues par audioprothésiste est passé de 230 par an en 2018 à environ 348 par an en 2023. Toutefois, certaines pratiques, qui ont un mode de fonctionnement moins personnalisé et des objectifs productifs, permettent d’atteindre entre 500 et 650 patients par audioprothésiste et par an. Ce rythme soutenu soulève une véritable question et des inquiétudes de la profession quant à la capacité de ces audioprothésistes à assurer un suivi de qualité pour tous leurs patients équipés.

 

En outre, le secteur de l’audioprothèse a représenté 21,3 millions d’euros de fraudes identifiées et bloquées en 2023, soit 4,6 % des fraudes totales comptabilisées par l’Assurance maladie. Dans le domaine de l’audioprothèse, ce sont souvent des individus ou sociétés extérieures à la profession d’audioprothésiste qui tentent de profiter de la solidarité du système. Ils le font principalement par l’usurpation d’identité, la réalisation de faux actes et la facturation de matériel différent de celui effectivement délivré. Un contrôle accru est effectué par les services de l’Assurance Maladie sur le secteur et a permis le dépôt de 300 plaintes pénales contre 160 centres en France. D’autres pratiques répréhensibles, résultant d’une formation insuffisante ou de négligence, telles que l’absence de devis ou le manque d’information sur la période d’essai de l’audioprothèse, sont également considérées comme des fraudes. Il en est de même pour l’exercice illégal de la profession, comme lorsqu’un professionnel, sans diplôme approprié, travaille comme audioprothésiste ou pratique de manière itinérante. Ces fraudes nécessitent un contrôle rigoureux et une intervention rapide, qui pourraient être efficacement gérés par une institution ordinale.

 

Enfin, la réforme du 100 % Santé a entraîné de nombreuses reconversions vers le domaine de l’audioprothèse. Pour de multiples raisons, de plus en plus de personnes se tournent vers des écoles étrangères, essentiellement situées en Espagne. La plupart de ces institutions privées proposent des formations à distance, plus courtes d’une année et dont le contenu ne respecte pas la plaquette de formation du Diplôme d’État d’Audioprothésiste. Faute d’homogénéité entre ces formations étrangères et d’absence de respect de la plaquette de formation définie par le Gouvernement français, ce parcours de formation peut entraîner une prise en charge non qualifiée causant une perte de chance pour les patients et des coûts supplémentaires pour la Sécurité Sociale.

 

La création d’un ordre des audioprothésistes s’inscrit naturellement dans le processus de professionnalisation et de responsabilisation qui touche les professions de la santé. Forts de leur histoire et de leur structuration, les audioprothésistes sont désormais prêts à franchir cette étape. Face aux défis actuels qui menacent la qualité des soins audioprothétiques, et s’appuyant sur des réflexions mûries au sein de la profession, cette proposition de loi vise à la création d’une institution ordinale des audioprothésistes dont les principales missions sont les suivantes :

 

1. Garantir la qualité de la prise en charge et du suivi des patients, dans un contexte d’augmentation de la file active et de vieillissement de la population, par la définition et la mise à jour d’un code de déontologie et des bonnes pratiques.

 

2. Assumer la fonction de juridiction disciplinaire qui permettrait aux patients d’être protégés face aux fraudes de certains audioprothésistes, au service de l’ensemble de la profession.

 

3. Tenir à jour un tableau de l’ordre dans lequel seront précisés les professionnels audioprothésistes en mesure de pratiquer légalement le métier.

 

4. Veiller au respect du code déontologique et garantir les qualifications requises pour l’exercice de la profession, par la mise en œuvre d’une certification périodique.

 

Cette proposition de loi a été rédigée en étroite collaboration avec le Collège national d’audioprothèse (CNA) et le Syndicat des audioprothésistes (SDA).

 

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