Proposition de loi relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement

Le Parlement, par la loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021, a profondément renouvelé le cadre et les principes de la politique française d’aide au développement. L’une des mesures les plus remarquées et les plus novatrices de ce texte a été la création d’une commission d’évaluation de l’aide publique au développement.

 

Pourtant, plus d’un an et demi après la promulgation de la loi, cette commission n’a toujours pas vu le jour. Les raisons de cette situation ont trait, semble‑t‑il, à certaines contradictions contenues dans l’article 12 de la loi n° 2021‑1031, qu’il convient de lever pour en assurer une application conforme à l’esprit qui avait guidé le législateur lors de son adoption.

 

En effet, l’article 12 précité dispose que la commission d’évaluation de l’aide publique au développement est « placée auprès de la Cour des comptes », qui en assure le secrétariat, et que les déclarations d’intérêt des dix experts qui la composent sont reçues par le Premier président.

 

Le décret n° 2022‑787 du 6 mai 2022, pris en application de la loi, ajoute cependant aux dispositions de celle‑ci en prévoyant que, sur les dix postes de personnalités qualifiées, deux doivent être réservés d’office à des magistrats de la Cour des comptes, dont son Premier président, alors que le législateur n’avait prévu que seules les modalités de fonctionnement de la commission et non sa composition soient renvoyées à un texte réglementaire.

 

Il ressort des dispositions réglementaires prises en application de l’article 12 de la loi n° 2021‑1031 une sorte de glissement dans la conception même de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement. En plaçant à son centre des magistrats financiers de l’État, le décret semblait donner pour visée à cette instance une mission essentiellement de vérification du bon emploi de l’argent public alors même que telle n’était pas l’intention du législateur.

 

La volonté clairement exprimée lors des débats parlementaires était de faire de cette commission un outil de spécialistes et de praticiens de l’aide au développement.

 

Le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Hervé Berville avait été explicite à cet égard, lors de la séance publique du 19 février 2021 : « nous souhaitons distinguer clairement l’évaluation du contrôle : alors que le contrôle consiste à vérifier la régularité d’une action et sa conformité à un cadre réglementaire légal, la finalité de l’évaluation est de pouvoir déterminer, en fonction d’indicateurs très précis et pour des politiques publiques bien spécifiques, si les actions entreprises ont réellement permis d’améliorer les choses (…) pour être précis sur les mots, nous ne créons pas une commission de contrôle mais bien une commission d’évaluation ».

 

La logique sous‑tendant au décret du 6 mai 2022, consistant à réduire le rôle de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement à un contrôle essentiellement financier des projets et programmes menés sur fonds publics de la France, pouvait – du point de vue intellectuel – justifier une certaine prééminence de la Cour des comptes dans la composition et le fonctionnement même de la commission. À l’instar d’autres organismes de contrôle tels que le Haut conseil des finances publiques ou Conseil des prélèvements obligatoires, la présidence, dans ce cas précis, aurait même légitimement pu échoir au Premier président de la Cour des comptes.

 

Mais le Parlement avait expressément écarté une telle option, preuve en étant qu’il avait prévu dans la loi que le président de la commission soit élu par ses membres.

 

Afin de permettre à la loi d’entrer en vigueur conformément aux volontés du législateur, il apparaît nécessaire de remédier aux contradictions nées du placement de la commission auprès de la Cour des comptes. Ce rattachement administratif n’apparaît nullement obligatoire dès lors que la commission d’évaluation poursuit un objectif d’appréciation de la portée des projets et des dossiers d’aide publique au développement au regard des objectifs poursuivis par la politique de la France en la matière.

 

Un rattachement du secrétariat de cette commission au ministère en charge de la conduite de la politique d’aide publique au développement semble à cet égard plus approprié.

 

Pour prendre connaissance du dossier législatif