Proposition de loi visant à instaurer un délit et un crime d’homicide routier et à mieux accompagner les familles de victimes

Le terme d’homicide involontaire dans le cas d’accident de la route est dénoncé depuis de nombreuses années par les familles et associations de victimes qui ne comprennent pas et ne supportent pas d’entendre ce terme à longueur d’audience lorsque le responsable de l’accident était notamment sous l’emprise de substances ou d’alcool.

 

Cette proposition de loi vise d’abord à répondre à cette demande en créant le délit d’homicide routier, demande qui avait déjà été formulée dans la proposition de loi n° 4386 du 18 janvier 2017 par Pierre Morel‑À‑L’Huissier, redéposée le 4 mai 2021 puis le 22 novembre 2022.

 

Un travail similaire avait également été mené par Valérie Lacroute autour des questions de sécurité routière et d’accompagnement des victimes sous la XVe législature puis par Éric Pauget en avril 2023.

 

Le texte ici présenté se propose de faire la synthèse de l’ensemble de ces travaux. Plusieurs études juridiques ont été menées avec les services de l’Assemblée nationale pour aboutir à un dispositif solide juridiquement.

 

En 2022, dans notre pays, 3 541 personnes sont décédées dans un accident de la route et environ 16 000 ont été blessées gravement. Parmi ces accidents, certains sont dus à des comportements irresponsables qui viennent briser des vies, mais aussi des familles, des parents et des enfants.

 

Avec un taux de 49 décès pour un million d’habitants, la France ne compte pas parmi les bons élèves au niveau européen et dispose d’importantes marges de progression.

 

En dépit de campagnes de prévention importantes, la question de la mortalité routière n’est toujours pas résolue et de multiples fais divers continuent d’alimenter nos médias.

 

Les chiffres parlent d’eux‑mêmes. Ces trois dernières années, sont à déplorer 81 456 victimes directes de blessures dues à un accident de la route et 244 368 victimes indirectes. Sur la même période, 10 394 personnes ont été tuées auxquelles s’ajoutent 31 182 victimes indirectes. La hausse de la mortalité routière concerne également les cyclistes et les piétons, qu’il convient de mieux protéger.

 

Certains départements, notamment ruraux, sont marqués par un taux de tués par million d’habitants très important. Par exemple, on dénombre plus de 100 tués par million d’habitants en Lozère sur la période 2013‑2015.

 

En 2016, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) a analysé la répartition des accidents mortels de la circulation selon le mode de locomotion utilisé et la catégorie d’usager concernée :

Voiture : 1 760 personnes tuées dont :

– 60 enfants (0 à 15 ans) ;

– 382 jeunes (18 à 24 ans) ;

– 834 adultes (25‑64 ans).

Piéton : 559 personnes tuées dont :

– 28 enfants ;

– 46 jeunes ;

– 183 adultes.

Moto : 613 personnes tuées dont :

– 475 adultes ;

– 98 jeunes.

 

Chacune de ces personnes est l’enfant, le père, la mère, le frère, la sœur, l’ami de quelqu’un, et voit sa vie s’achever prématurément alors que certaines mesures simples pourraient être envisagées pour renforcer leur protection.

 

Au rythme actuel, c’est donc pratiquement l’équivalent d’une ville moyenne (environ 40 000 personnes) qui disparaît tous les 10 ans. Au cours de sa vie, chaque Français sera tôt ou tard confronté à un drame de la route qui le touchera lui ou l’un de ses proches.

 

Chaque année, l’ONISR rappelle également les facteurs des accidents de la circulation les plus graves :

– un accident mortel sur trois est causé par une vitesse excessive ou inadaptée : c’est le premier facteur d’accident ;

– un accident mortel sur quatre est causé par une alcoolémie positive du conducteur ;

– les stupéfiants multiplient par deux le risque d’être responsable d’un accident mortel et par quinze lorsque la drogue est mélangée avec de l’alcool.

 

En France, de nombreuses associations luttent également contre ce fléau : Association Collectif justice pour les victimes de la route, Association Charlotte‑Mathieu‑Adam, AFVAC (Association de familles de victimes des accidents de la circulation), AIV AR (Aide aux victimes des accidents de la route), ANUAR (Association nationale des usagers et accidentés de la route), Alcool, vitesse et contre‑sens, Association citoyenneté routière, EIVA (Écoute et informations aux victimes d’accidents), La route en toute conscience‑Le challenge pour Owen, LCVR (Ligue contre la violence routière), Marilou‑pour les routes de la vie et le relais Terry, MNT 73 Sébastien Tranchet, SOS victimes de la route, Sur la route de Fanny, Tonyman, La route tue, Un chemin pour demain, Victimes et avenir et Victimes et Citoyens.

 

Bien que la loi n° 85‑677 du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation ait constitué une avancée majeure pour l’indemnisation des victimes, notamment grâce au principe de réparation intégrale des préjudices et au succès de la procédure amiable, un vide juridique subsiste concernant d’autres aspects des accidents de la circulation.

 

Si l’arsenal législatif existe déjà et prévoit des peines d’emprisonnement très lourdes, pouvant aller de 5 à 10 ans d’emprisonnement selon le nombre de circonstances aggravantes, touchant notamment à la consommation d’alcool ou de produits stupéfiants, il apparaît en pratique que les chauffards qui purgent une peine effective de prison sont très rares.

 

C’est la raison pour laquelle la présente proposition de loi se donne un double objectif : diminuer le nombre de décès et de blessés sur les routes, tout en améliorant la protection les victimes directes et indirectes des accidents de la circulation, et de réduire les dispositifs d’aménagement de peines pour les auteurs d’un délit d’homicide involontaire par conducteur, étant rappelé que ceux‑ci sont déjà concernés par une infraction spécifique distincte de l’homicide involontaire « classique ».

 

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