Proposition de loi visant à instaurer une accessibilité réelle des logements aux personnes en situation de handicap
Il y a 20 ans, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a fixé des ambitions fortes pour garantir que toutes les nouvelles constructions respectent les normes d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap.
Depuis 2005, les dérogations se sont multipliées, affaiblissant progressivement les objectifs initiaux. Cette tendance a atteint son paroxysme lors de l’adoption de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) en 2018. Son article 64 dispose que, dans les bâtiments d’habitation collectifs, seuls 20 % des logements, avec un minimum d’un logement par bâtiment, doivent être accessibles, tandis que les autres logements sont qualifiés d’ « évolutifs ». La loi ELAN signe ainsi de manière officielle la fin du principe « d’accessibilité de tous à tout », une régression qui profite uniquement à des groupes d’intérêts puissants du secteur du bâtiment, déroulant un agenda constant : alléger les normes d’accessibilité, pour assurer une meilleure rentabilité du bâti.
Cette régression des ambitions de la France en termes d’accessibilité de son parc a produit des effets dramatiques pour les personnes en situation de handicap. Aujourd’hui, 56 % des personnes en situation de handicap, c’est‑à‑dire une personne sur 2, sont confrontées à des difficultés d’accès au logement, contre 28 % pour la population générale. Ce constat d’échec est aggravé par des normes qui invisibilisent et stigmatisent les personnes en situation de handicap, les mettant en position de vulnérabilité : mal‑logement, sans‑abrisme, situation de dépendance et perte d’autonomie. Une enquête du défenseur des droits montre notamment que 53 % des personnes ayant vécu une discrimination dans le cadre de leur recherche de logement le sont du fait de leur handicap ou de leur état de santé. De ce fait, et en l’absence de logements adaptés en nombre suffisant, les personnes en situation de handicap passent en moyenne plus de 2 ans, 27 mois, à chercher un logement adapté dans le parc social, soit 8 mois de plus que pour le reste de la population. Ces difficultés d’accès au logement découlent d’une offre locative, accessible et adaptée, insuffisante et même tout à fait marginale. Seuls 18 % des logements seraient considérés comme accessibles, et 6 % seulement seraient accessibles et adaptés.
Le manque de logements accessibles et adaptés affecte sévèrement les seniors. Car oui, le handicap est une situation évolutive, qui peut apparaître brutalement ou progressivement. Les personnes âgées sont plus exposées à des situations de handicap et leurs logements se trouvent alors inadaptés à l’évolution de leur vie. Selon l’enquête autonomie menée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) en 2022, environ 300 000 personnes rencontrent de grandes difficultés à sortir de leur domicile sans assistance en raison de problèmes de santé, parmi lesquelles 187 000 seraient âgées de plus de 64 ans. Par ailleurs, 675 000 individus se trouveraient dans l’incapacité totale de sortir seuls, dont 500 000 appartenant à cette même tranche d’âge.
Le droit au logement est reconnu comme un droit à caractère constitutionnel depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1995. Or, les évaluations le démontrent, l’État n’assure pas l’effectivité de ce droit pour toutes et tous, d’autant plus pour les personnes en situation de handicap. Pire, la situation n’évolue pas seulement trop lentement, elle se dégrade. Les obstacles à l’accès à un logement adapté et abordable se multiplient, les délais d’attente pour l’obtention d’un logement social accessible sont indécents, le parc privé locatif devient de plus en plus inaccessible financièrement et les logements sont, dans de trop nombreux cas, inadaptés. Ces obstacles empêchent les personnes en situation de handicap de vivre où elles le souhaitent, les contraignant parfois à déménager ou à s’installer chez des proches quand elles le peuvent. Bien souvent, ces personnes sont assignées à résidence dans des logements ne respectant ni leur santé, ni leur bien‑être, ni leur dignité. Nous sommes aujourd’hui régulièrement sollicités par des citoyens désespérés qui se retrouvent sans solution.
Un rapport publié en 2023 par la commission nationale consultative des Droits de l’Homme souligne l’ineffectivité du droit au logement pour les personnes en situation de handicap, plus particulièrement pour les personnes les plus précaires.
Ce constat concerne tous les types de logement, qu’ils soient publics ou privés, mais également le parc de logements étudiants. Ces derniers ne sont pas toujours accessibles ou adaptables ; le parc privé, parfois plus adapté, a un coût plus élevé qui ne peut pas être supporté par les étudiants, souvent en situation de précarité, d’autant plus du fait de leur handicap. Par ailleurs, la Fondation pour le logement des défavorisés établit, dans son rapport de janvier 2025, que les personnes en situation de handicap subissent 2 à 3 fois plus de discriminations que la moyenne de la population, pour accéder à un logement privé.
En 2010, la France a ratifié la Convention internationale de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour les personnes handicapées, qui rappelle que le handicap n’est pas une maladie, mais bien le résultat des interactions avec un environnement inadapté et avec des logements qui le sont tout autant, ce qui constitue le cœur de la discrimination vécue au quotidien pour les personnes handicapées. La présente proposition de loi souhaite contribuer, à son échelle, à permettre une meilleure inclusion des personnes handicapées, pour parvenir, dans un avenir le plus proche possible, à une société dépourvue de discriminations.
Nous devons prendre des décisions fortes, concernant le logement neuf mais aussi le parc existant, dans le social et dans le privé, car à un rythme de 1 % de construction de logement neuf par rapport à l’ensemble du parc, la loi ne permet aujourd’hui l’accessibilité théorique de 20 % seulement des 45 % logements propices – les rez‑de‑chaussée et les immeubles dotés d’un ascenseur, donc de plus de trois étages – soit 9 % de nouveaux logements adaptés et accessibles par an. Si l’on se réfère aux données Insee relatives à la production annuelle d’appartements HLM (habitation à loyer modéré) en 2018, seuls 4 600 seraient accessibles, soit moins de 460 par département.
Ainsi, l’article 1er vise à instaurer l’obligation d’une mise en accessibilité intégrale de l’ensemble des nouvelles constructions de logements, qu’ils appartiennent au parc public ou privé.
Conformément à l’esprit de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005, cet article vise à imposer que tous les logements neufs – y compris dans des logements de trois étages ou moins – soient accessibles. La loi de 2005 ne concernait en réalité que 45 % des logements neufs : rez‑de‑Chaussée et immeubles de quatre étages ou plus. La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique de 2018, dite loi ELAN, en réduisant à 20 % l’obligation d’accessibilité de 45 % des logements n’a consacré en réalité qu’une obligation de 9 % des logements neufs accessibles, un chiffre ridicule qui explique la situation actuelle.
L’article 2 facilite la mise en accessibilité des parties communes pour un logement se situant dans une copropriété.
L’article 3 fixe un objectif minimal de logements locatifs sociaux accessibles, qu’ils soient possédés par les bailleurs sociaux ou les Crous (centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires). Ce taux est progressif dans le temps.
L’article 4 oblige aux bailleurs sociaux et aux Crous la transmission des informations concernant l’accessibilité de leurs logements au sein du répertoire national des logements locatifs sociaux (RPLS), ensuite transmis au service public départemental de l’autonomie et disponible publiquement.
L’article 5 renforce les compétences des services publics départementaux de l’autonomie (SPDA).
Le 1° autorise les agents communaux déjà assermentés et habilités pour vérifier le respect des règles de construction, à vérifier le respect des règles d’accessibilité, sur la demande du locataire, lorsque le logement a été déclaré accessible dans le répertoire national des logements locatifs sociaux, et ceci à n’importe quel moment après la construction du logement.
Le 2° renforce les pouvoirs des services publics départementaux de l’autonomie en lui permettant de participer au contrôle du respect des règles d’accessibilité par les constructions neuves et autorise la réception et le traitement des informations du RPLS relatif à l’accessibilité des logements locatifs déclarés accessibles par les bailleurs sociaux et les Crous.
Le 3° crée un fonds départemental de l’autonomie pour aider les bailleurs et les Crous à adapter leurs logements.
L’article 6 augmente la prise en charge des travaux concernant l’adaptabilité des logements, et l’étend aux parties communes, assortie d’une demande de rapport concernant le dispositif MaPrimeAdapt’.
L’article 7 compense les charges induites par la présente proposition de loi.
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