Proposition de loi visant à lutter contre le sida

« La situation exigeait d’espérer dans un univers sans espoir, de prévoir dans un monde sans avenir, de se battre dans un monde sans victoire. C’était à cela qu’on était désormais condamné : agir en vain. » – Les Enfants endormis, Anthony Passeron.

 

Non agir n’a pas été vain. La mobilisation des soignants et des associations a permis de sensibiliser les populations à risques et d’améliorer les traitements et la prise en charge des patients. Depuis 1982, le sida a causé près de 40 000 décès en France. Après une augmentation des cas diagnostiqués jusqu’en 1994, une diminution s’est amorcée en 1995, fortement accentuée en 1996 avec l’arrivée des multithérapies. Depuis 1998, le nombre de nouveaux cas s’est stabilisé.

 

Aujourd’hui en France, près de 24 000 personnes ignorent leur séropositivité, et ne sont pas prises en charge, constituant « l’épidémie cachée » responsable de plus de 60 % des nouvelles contaminations. En conséquence, plus de 5 000 nouvelles contaminations au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) par an sont découvertes depuis plus de dix ans, malgré une offre de dépistage et de prévention qui s’est étoffée, mais qui ne bénéficie pas à l’ensemble des populations concernées. Par comparaison, le nombre de personnes ignorant leur séropositivité au Royaume‑Uni était évalué à 13 000 en 2016 par l’agence de santé publique britannique, soit un nombre 46 % inferieur à celui des personnes séropositives non diagnostiquées en France.

 

Le virus du VIH a été identifié il y 40 ans. Depuis lors, les associations, les industriels et le monde politique se sont mobilisés afin de disposer de traitements efficaces permettant aujourd’hui de vivre avec le VIH. Pourtant, à mesure que la prise en charge du VIH s’est améliorée, le désintérêt relatif du grand public envers la lutte contre cette épidémie s’est accru.

 

L’émergence d’autres épidémies, combinée à une raréfaction des ressources de notre système de santé tant en ville qu’à l’hôpital nous oblige aujourd’hui à nous interroger sur le futur de la prise en charge des patients atteints du VIH.

 

Les dix années à venir vont être particulièrement délicates à gérer en termes de ressources pour le système de santé et il convient de trouver des solutions pour la prise en charge des maladies chroniques.

 

Les dernières données épidémiologiques publiées par Santé publique France révèlent un relâchement de la prévention chez les jeunes et la persistance de fortes vulnérabilités à l’exposition aux infections sexuellement transmissibles (IST) chez les populations les plus à risques.

 

Ainsi la présente proposition de loi a pour objectif de relever le défi de la prise en charge des patients atteints du VIH, et de réarmer la France pour qu’elle se donne les moyens, à travers la stratégie nationale de santé sexuelle, d’atteindre les objectifs de fin de l’épidémie fixés par l’ONUSIDA.

 

Le chapitre 1er a pour ambition de renforcer le lien entre la ville et l’hôpital.

 

Pour cela l’article 1er vise à inscrire dans le code de la santé publique la profession de médiateur en santé, conformément aux recommandations du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales « La médiation en santé : un levier relationnel de lutte contre les inégalités sociales de santé à consolider » remis en juillet 2023 au Gouvernement.

 

La 4ème recommandation du rapport préconisait en effet de « consacrer l’existence du métier de médiateur.ice en santé, assorti d’un cadre déontologique, par son inscription idoine dans le code de la santé publique et les répertoires métiers. »

 

En effet aujourd’hui, les médiateurs en santé permettent d’assurer un lien précieux entre la ville et l’hôpital en guidant les patients éloignés du soin (et pas seulement dans le VIH), et en libérant du temps médical (orientation des patients, empowerment…). Or, malgré la remise d’un rapport IGAS au ministre de la santé en juillet 2023, la reconnaissance de cette profession particulièrement importante n’est toujours pas assurée. 

 

L’article 2 demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de créer une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) suivi des patients VIH et dépistage hépatites ROSP afin d’améliorer la rémunération des médecins de ville pour la prise en charge des patients vivant avec le VIH. Le système des rémunérations sur objectif de santé publique (ROSP) est un levier financier efficace pour inciter les médecins généralistes à prendre en charge des patients vivant avec le VIH. En effet, leur prise en charge peut paraître, de prime abord, plus complexe et n’incite pas, en l’absence d’incitation, les médecins généralistes à franchir le pas. Pourtant, celle‑ci relève dans l’immense majorité des cas d’une prise en charge s’apparentant à celle d’un patient chronique. Il semble donc nécessaire de créer une ROSP « suivi des patients vivant avec le VIH » afin que la médecine de ville prenne toute sa place dans la prise en charge des patients vivant avec le VIH. 

 

L’article 3 approfondit la philosophie du dispositif « 400 postes de médecins généralistes dans les territoires prioritaires » voulue par la Stratégie Nationale de Santé « Ma Santé 2022 ». Il vise à la création de 1000 postes de Médecins Généralistes contractuels à temps partagé entre ville et établissements de santé, sur l’ensemble du territoire (et non pas seulement en zone sous dense), en prévoyant une rémunération attractive et un financement pérenne de ces postes. En plus d’améliorer le lien entre la ville et l’hôpital de manière concrète en contribuant à la coopération territoriale et médicale, ces postes permettent en effet de créer un lien privilégié entre le médecin généraliste en formation et les équipes hospitalières vers qui le praticien de ville peut se tourner en cas de besoin spécifique relatif à la prise en charge d’un patient.

 

Ce mode d’exercice est particulièrement adapté à la prise en charge des patients vivant avec le VIH où le lien avec l’hôpital est majeur, mais ils peuvent plus largement s’appliquer pour la prise en charge d’autres patients chroniques.

 

L’article vise donc à généraliser la création de ces postes sur l’ensemble du territoire et prévoit une rémunération plus incitative pour les médecins généralistes contractuels à temps partagé

 

Le chapitre 2 tend à donner les moyens à la France d’atteindre l’objectif de fin de l’épidémie en 2030 par le biais de trois articles.

 

L’article 4 prévoit un dépistage systématique du VIH et des IST lors des consultations de prévention aux trois âges clés de la vie. La découverte des cas d’infection au VIH, qui reste tardive dans de nombreux cas, concerne également la population des plus de 40 ans. Le dispositif des consultations aux 3 âges clefs de la vie, votée dans le PLFSS 2023 est ainsi complété en précisant que la santé sexuelle doit entrer dans le contenu des trois consultations et non pas être cantonnée à la seule consultation à 25 ans. 

 

L’article 5 assouplit, les conditions de délivrance des traitements préventifs de l’infection au VIH, qu’il s’agisse d’une prophylaxie de pré‑exposition (PrEP) ou d’un traitement de post‑exposition (TPE). Afin de tenir compte des inégalités d’accès aux services hospitaliers d’urgence, les premières prises du TPE pourront ainsi être prescrites par un médecin de ville ou délivrées par un pharmacien sans ordonnance, sous réserve de l’information du patient sur le protocole à suivre pour la poursuite efficace du traitement. Compte tenu de la saturation des capacités d’accueil des CeGIDD et des hésitations de certaines personnes à se rendre à une consultation dans ces structures, la première prescription d’une PrEP pourra intervenir à l’occasion d’une téléconsultation sans restriction d’accès. Sous réserve de l’autorisation de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de leur délivrance aux mineurs, les traitements préventifs de l’infection au VIH pourront être prescrits dans les services de santé scolaire du second degré et dans les services de santé universitaires.

 

L’article 6 enfin revoit le contenu et le format des enseignements de santé sexuelle dans le secondaire en incluant d’avantage la notion de prévention combinée (qui ne se limite pas à la seule utilisation du préservatif comme seul moyen de prévention du VIH). Il prévoit par ailleurs d’associer systématiquement les étudiants en médecine, plus proches des lycéens et utilisant les mêmes modes de communication, en s’appuyant sur le service sanitaire, à l’animation de ces cours d’éducation sexuelle dans le secondaire. 

 

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 

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