Proposition de loi visant à mieux protéger les consommateurs d’électricité et de gaz naturel

La présente proposition de loi vise à mettre en œuvre plusieurs améliorations, directement inspirées des préconisations du médiateur national de l’énergie, visant à protéger les consommateurs d’énergie. La présente proposition de loi présente ainsi plusieurs dispositions relatives à l’interdiction des coupures d’électricité en cas d’impayés, à la lisibilité des offres d’électricité et de gaz naturel, et à la protection des consommateurs lors de changement des prix de l’énergie en cours de contrat et à la possibilité accordée au médiateur national de l’énergie de mieux encadrer les informations qui figurent sur son comparateur d’offres d’énergie.

L’article premier de la présente proposition de loi propose d’interdire les coupures d’électricité des particuliers pour impayés, et d’instaurer un droit effectif à une alimentation minimale en électricité tout au long de l’année pour les résidences principales, à l’instar de ce qui existe déjà pour l’eau, le logement ou l’ouverture d’un compte bancaire.

 

L’article L. 121-1 du code de l’énergie rappelle que l’électricité est un « produit de première nécessité » : c’est une évidence, puisque, sans électricité, il n’y a pas de lumière, pas de chauffage (même au gaz et au fioul), pas d’eau chaude, pas d’accès à internet, ni au téléphone. Pourtant, respectivement 254 000 et 157 000 coupures d’électricité ont été recensées en 2021 et en 2022 en raison d’impayés. Cette diminution en 2022 n’est en rien due à une situation plus favorable des ménages, mais s’explique par le décret du 24 février 2023 qui a créé une période minimale de réduction de puissance, préalable à la coupure et à la résiliation, pour les ménages les plus vulnérables en cas d’impayés. Elle s’explique aussi par la décision d’EDF de substituer, depuis 2021, aux coupures les réductions de puissance. Ce sont 863 000 interventions (comprenant les réductions de puissance) pour impayés des factures d’électricité ou de gaz qui ont été mises en œuvre en 2022, soit 10% de plus qu’en 2021. Au vu des cas que traitent les acteurs de la lutte contre la précarité énergétique, il n’est pas possible de considérer qu’autant de foyers soient juste des « mauvais payeurs » : même s’il peut en exister, il s’agit dans la majorité des cas de foyers fragiles, qui doivent être protégés.

Le médiateur national de l’énergie a proposé cette mesure en novembre 2021 devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Le fournisseur EDF a indiqué, le lendemain même de la déclaration du médiateur national de l’énergie, qu’il mettrait en application sa proposition sans même attendre qu’une loi le lui impose, ainsi que le pratiquait déjà le fournisseur PLÜM.

 

En application de l’article 35 de la loi n°2022-1158 du 16 août 2022, portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, un décret est paru le 24 février 2023, fixant une période minimale de 60 jours de réduction de puissance jusqu’à 1kVA, préalablement à la coupure complète ou à la résiliation, pour les ménages bénéficiaires du chèque énergie ou d’une aide du Fonds de solidarité pour le logement équipés d’un compteur communicant. Si cette mesure est de nature à dissuader les comportements opportunistes, toutefois, elle ne répond pas à la problématique évoquée par le médiateur national de l’énergie en ce qui concerne les foyers les plus précaires ; il apparaît donc plus approprié d’interdire les coupures d’électricité des particuliers pour impayés, et d’instaurer un droit effectif à une alimentation minimale en électricité tout au long de l’année pour les résidences principales.

 

Par ailleurs, la présente proposition de loi propose plusieurs dispositions relatives aux offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, et à la lisibilité pour les consommateurs.

 

L’article 2 a pour objet d’encadrer la modification en cours de contrat des offres de fourniture d’électricité ou de gaz naturel. 

Lors de la crise énergétique, certains fournisseurs d’électricité et de gaz naturel, qui ne s’étaient pas correctement couverts pour assurer l’approvisionnement de leurs clients, se sont retrouvés dans une situation délicate, dans laquelle ils n’avaient pas d’autre choix que de répercuter les hausses des prix de leurs coûts d’approvisionnement.

 

L’article L.224-10 du code de la consommation permet aux fournisseurs qui souhaitent augmenter leurs prix de le faire, à la seule condition d’en informer leurs clients, comme pour tout projet de modification des conditions contractuelles, au moins un mois avant la date d’application du nouveau tarif.

Cette disposition législative, qui permet de déroger au principe que toute modification d’un contrat doit faire l’objet d’un accord des deux parties, a permis d’assouplir les conditions dans lesquelles les fournisseurs d’énergie peuvent faire évoluer leurs tarifs ; mais elle a donné lieu à une application et à des interprétations particulièrement défavorables pour les consommateurs.

 

Certains fournisseurs d’énergie ont ainsi mal informé leurs clients sur les évolutions tarifaires, soit parce que l’information ne leur parvenait pas du tout, soit parce que cette information n’était pas suffisamment claire sur les conséquences de l’évolution contractuelle qu’ils envisageaient. Certains fournisseurs ont également proposé de manière systématique des offres à activation différée avec des prix très (trop) attractifs, qui ont été augmentés substantiellement une fois le contrat activé. Certains fournisseurs enfin ont même tenté, en se fondant sur cette disposition, de modifier, avant leur échéance, le prix appliqué pour des contrats de fourniture d’énergie conclus à un prix fixe pour une période déterminée.

 

De même, il y a lieu de s’interroger sur la pratique consistant à faire évoluer les conditions d’indexation des prix en se fondant sur les dispositions de l’article L. 224-10 du code de la consommation ; de nombreux fournisseurs d’énergie ont ainsi informé leurs clients un mois avant sa mise en application de la modification des conditions d’indexation des prix, pour passer d’une indexation sur les tarifs réglementés à une indexation sur les prix des marchés de gros (EPEX SPOT par exemple) ; une telle modification des conditions contractuelles a eu, comme on l’a constaté avec la crise des prix de l’énergie, des conséquences très importantes sur le prix payé par le consommateur.

 

Il est donc proposé de modifier l’article L.224-10 du code de la consommation sur plusieurs points.

– tout d’abord, ce cadre dérogatoire au principe que toute modification d’un contrat doit faire l’objet d’un accord des deux parties, impose de donner une information « transparente et compréhensible » au consommateur. Si tel n’est pas le cas ou si les délais ne sont pas respectés, la logique voudrait que la validité du contrat soit remise en cause. Il est donc proposé d’indiquer expressément que, dans ce cas de figure, le contrat ne rentre pas en vigueur et que le tarif antérieur est maintenu ;

– ensuite, la disposition imposant de donner une information « transparente et compréhensible » fait l’objet d’une appréciation subjective et certains en ont une interprétation trop restrictive. Il existe ainsi des cas dans lesquels cette interprétation se fait au détriment du consommateur, le plus souvent non averti et pour qui, par exemple, la seule annexe d’une grille tarifaire au contrat ne suffit pas à remplir cette condition d’une information compréhensible. Afin d’éviter des pratiques abusives, dans lesquelles, comme on l’a vu récemment, le consommateur découvre trop tard toutes les conséquences de la modification à laquelle il n’a pas été en mesure de porter suffisamment d’attention, il est proposé que les exigences minimales qu’implique ce devoir d’information soient précisées par voie réglementaire ;

– de plus, le délai de prévenance du consommateur apparaît trop court pour permettre au consommateur de prendre les mesures adaptées, notamment de comparer les autres offres de fourniture et de décider de changer de fournisseur. Il est donc proposé d’allonger ce délai en le portant à trois mois ;

– en outre, il découle des principes de sécurité juridique et de prévisibilité des relations contractuelles que cet article L. 224-10 du code de la consommation ne devrait faire obstacle à une certaine stabilité des prix que le consommateur est en droit d’attendre lorsqu’il s’agit d’un bien de première nécessité. Pour empêcher des pratiques contestables, comme la formulation d’une offre particulièrement attractive suivie rapidement de l’utilisation de l’article L. 224-10 du code de la consommation pour la modifier, la proposition de loi prévoit d’interdire aux fournisseurs d’y avoir recours pendant l’année qui suit ;

– de même, il ne devrait pas être possible de passer d’un contrat à prix fixe à un contrat à prix indexé ou de modifier l’indice de référence d’un contrat à prix indexé en se fondant sur l’article L. 224-10 du code de la consommation. Cette modification constitue en effet une modification substantielle de l’équilibre du contrat, car elle revient à faire peser l’intégralité du risque du coût d’approvisionnement en énergie sur le consommateur final et lui fait courir un risque important en cas de forte évolution des prix sur les marchés de gros. Il ne s’agit pas alors d’une simple modification du contrat, mais bien d’un nouveau contrat. Il est donc proposé de ne plus permettre la modification des conditions d’indexation des prix en se fondant sur les dispositions de l’article L. 224-10 du code de la consommation. Dans un tel cas, il sera nécessaire de recueillir le consentement explicite du consommateur, à l’instar de ce qui est prévu pour les offres à tarification dynamique par l’article L. 332-7 du code de l’énergie (« IV.-Le fournisseur recueille le consentement du client avant de passer à un contrat à tarification dynamique ») ;

– enfin, l’article L. 224-10 du code de la consommation prévoit que la communication d’une modification des conditions contractuelles, « est assortie d’une information précisant au consommateur qu’il peut résilier le contrat sans pénalité, dans un délai maximal de trois mois à compter de sa réception ». Cette disposition a été mal rédigée et laisse penser qu’elle est applicable aux consommateurs résidentiels, alors qu’il n’en n’est rien, puisqu’ils peuvent changer de fournisseur à tout moment et sans frais (article L. 224-14 et L. 224-15 du code de la consommation), principe qui est d’ordre public. Certains fournisseurs adressent ainsi des courriers de renouvellement à leurs clients domestiques en faisant référence à cette possibilité de résilier le contrat dans un délai de trois mois seulement. Elle est à l’origine chez de nombreux consommateurs domestiques d’une méconnaissance de leurs droits. Il est ainsi proposé de supprimer cette formulation et de rappeler que les consommateurs non professionnels peuvent changer de fournisseur à tout moment et sans frais.

L’article 3 prévoit d’interdire les offres de fourniture d’électricité et de gaz naturel ne permettant pas au consommateur d’en connaître le prix au moment où il consomme.

 

Certaines offres sont, en effet, indexées sur un prix de marché qui n’est connu qu’a posteriori, car l’indice retenu pour la facturation est celui du mois au cours duquel la consommation a lieu. Cette pratique méconnaît le principe de base selon lequel le client doit toujours connaître le prix du produit qu’il achète.

L’article L. 112-3 du code de la consommation prévoit que « Lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l’avance du fait de la nature du bien ou du service, le professionnel fournit le mode de calcul du prix et, s’il y a lieu, tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d’affranchissement et tous les autres frais éventuels. Lorsque les frais supplémentaires ne peuvent raisonnablement être calculés à l’avance, le professionnel mentionne qu’ils peuvent être exigibles » ; et la Cour de cassation a jugé que lorsque le prix, quoique déterminable selon une procédure choisie d’un commun accord, demeure inconnu et que la procédure de détermination du prix n’a pas été engagée, la vente ne peut être déclarée parfaite et son application mise en œuvre (Cass. 3ème civ. 12 septembre 2006).

 

Par conséquent, il est proposé de modifier le code de la consommation afin d’interdire expressément ce type d’offres.

 

L’article 4 a pour objet de permettre au médiateur national de l’énergie de mieux encadrer les informations qui figurent sur son comparateur d’offres d’énergie.

En effet, les services du médiateur national de l’énergie rencontrent régulièrement des difficultés pour référencer dans le comparateur certaines offres qui sont soit de nature à induire en erreur, soit qui justifieraient un avertissement du consommateur avant son choix.

 

Afin de toujours mieux informer le consommateur, il est donc proposé de prévoir une disposition selon laquelle le médiateur national de l’énergie peut refuser de référencer une offre dans le comparateur, lorsqu’il estime que cette offre est de nature à tromper ou induire en erreur le consommateur final.

 

Le même article donne la possibilité au médiateur national de l’énergie de faire figurer sur le site de son comparateur des informations qu’il considère utiles pour aider le consommateur dans son choix.  Parmi ces informations, on peut citer des avertissements sur l’offre, le taux de litiges du fournisseur auprès du médiateur national de l’énergie ou le fait que le fournisseur a signé ou non la charte d’engagement de bonnes pratiques présentée le 5 octobre 2022 par le ministre de l’économie et des finances et la ministre de la transition énergétique.

 

L’Article 5 vise à mieux protéger les consommateurs professionnels exposés à des frais de résiliation anticipée. Il étend les règles applicables aux consommateurs non domestiques d’électricité en cas de résiliation anticipée aux consommateurs non domestiques de gaz afin qu’ils bénéficient des mêmes protections quant aux frais de résiliation applicables. Il modifie l’article L.332-2 afin d’améliorer l’information des consommateurs sur l’existence et le calcul de ces frais et de transposer la possibilité, prévue dans le droit européen, d’en contrôler le montant. Pour respecter l’exigence de « proportionnalité » voulue par le droit de l’Union Européenne, il prévoit que des frais de résiliation anticipée ne peuvent pas être facturés après la première année du contrat et en cas d’impayés.

Afin d’améliorer et de clarifier la compréhension des consommateurs face aux différents types de contrats existants, l’Article 6 permet d’encadrer la typologie des offres de fourniture d’énergie par arrêté pris par le ministre de l’énergie et de la consommation, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie.

 

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