Proposition de loi visant à protéger les usagers des infrastructures de recharge des véhicules électriques et à améliorer l’information délivrée aux consommateurs

Peut‑on aujourd’hui imaginer dans les stations‑services, issues de la grande distribution ou d’un réseau pétrolier, la disparition des panneaux annonçant le prix des carburants ? À plus forte raison le long de nos autoroutes !

 

Sans eux, les conducteurs seraient privés d’une information déterminante, essentielle même, à une concurrence loyale. Dans ces conditions, pourquoi ces éléments avec un prix en €/kWh et sur le mode de paiement ne figurent‑ils pas dans l’environnement proche des bornes de recharge et les sites et les cartes dédiés ?

 

Une certitude, les consommateurs les réclament et leur absence constitue un frein à la diversification des modes d’utilisation d’énergies et, par conséquence, à l’acquisition de véhicules électriques pour lesquels les bornes de recharge sont indispensables. De même, les conditions de leur déploiement doivent répondre, en transparence, aux attentes des consommateurs. De même, un maillage territorial éviterait que les zones rurales moins denses soit, cette fois encore, oubliées par les opérateurs privés.

 

Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montre, études à l’appui, que nous n’atteindrons pas les objectifs de maîtrise des hausses de températures, il ne fait plus de doute qu’il faille accélérer la transition écologique engagée par notre pays et ses territoires.

 

Il nous faut, à la fois, réduire notre consommation énergétique et diversifier nos modes de production d’énergie.

 

En 2021, le secteur des transports a consommé, à lui seul, 31,3 % de l’énergie finale et émis 30,8 % des gaz à effet de serre.

 

C’est la raison pour laquelle le verdissement du parc automobile est identifié comme un enjeu incontournable de cette transition écologique, de la lutte contre les gaz à effets de serre et pour l’amélioration de la qualité de l’air.

 

C’est, du reste, parce que plusieurs mesures incitatives ont été mises en place que les ventes de voitures électriques sont, depuis plusieurs années, en nette progression.

 

Ainsi, 303 895 voitures particulières électriques neuves ont été vendues en 2023, contre 207 364 en 2022 et 112 710 en 2020, soient des augmentations respectives de 46,6 % et 169,3 %. Cette progression se poursuivra, dans la perspective d’une interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs à partir de 2035.

 

La voiture électrique devrait également se démocratiser avec la mise sur le marché de modèles compacts plus accessibles et le lancement du « leasing social » depuis le 1er janvier 2024.

 

Actuellement, les pratiques des utilisateurs de ces voitures démontrent l’importance de la recharge à domicile. Elles sont, en moyenne, de l’ordre de 80 %.

 

Les bornes publiques demeurent, donc, essentielles.

 

D’une part, pour les consommateurs ne disposant pas de place de stationnement à domicile et, d’autre part, pour les trajets longue distance, pour lesquels la recharge en dehors du domicile est inévitable.

 

Le déploiement de ces bornes doit correspondre aux attentes des utilisateurs actuels et futurs, pour lesquels la disponibilité d’une recharge publique apparaît comme un facteur majeur dans la décision d’achat d’un véhicule électrique.

 

Selon le dernier recensement disponible, 114 386 points de recharge étaient ouverts au public au 30 novembre 2023, contre 77 318 un an plus tôt, soit une hausse de près de 47 %.

 

L’UFC‑Que Choisir a, pour sa part, souligné combien les efforts de déploiement consentis ces dernières années doivent être maintenus, pour atteindre un meilleur maillage du réseau et permettre une accessibilité optimisée pour les consommateurs.

 

Nous ne pouvons consentir à ce que les zones rurales, moins denses, soient une fois encore oubliées par les opérateurs privés.

 

Ces efforts doivent, toutefois, se faire en cohérence avec les besoins de mobilité identifiés.

 

À ce titre, les schémas directeurs pour les infrastructures de recharge pour véhicules électriques (SDIRVE) constituent des outils centraux de planification.

 

Ils doivent se généraliser, tout en étant cohérents à l’échelle régionale, unité géographique des déplacements de moyenne et de longue distance.

 

Au‑delà de la disponibilité de l’infrastructure publique de recharge, les prix de la recharge sur les bornes publiquement accessibles restent une préoccupation majeure des consommateurs.

 

La dernière édition de l’« Observatoire de la qualité de la recharge » établi par l’Association française pour l’itinérance de la recharge électrique des véhicules (AFIREV), identifie une insatisfaction grandissante des utilisateurs, face à l’absence de prix. Le manque de cohérence et de transparence suscite même un mécontentement grandissant.

 

En France, il existe deux tarifs de service, correspondant à deux catégories de consommateurs : les utilisateurs souhaitant payer à l’acte et les utilisateurs recourant à une carte de recharge fournie par un opérateur de mobilité tiers. Le recours à cette deuxième modalité de paiement est souvent nécessaire du fait de l’absence de terminaux bancaires.

 

Si le paiement bancaire par « QR code » est parfois présent sous forme d’autocollant apposé sur la borne et permet le paiement bancaire via un site dédié, cette option est soumise au risque de quishing. Le consommateur est, alors, renvoyé vers un site malveillant qui prend l’apparence du site officiel de paiement vers lequel il est censé être dirigé. Les données renseignées sont revendues à un tiers ou le paiement est détourné.

 

Sur la base de nombreux témoignages, l’UFC- Que Choisir a comparé les prix proposés par différents opérateurs de mobilité à des points de recharge, en ville, sur route et sur autoroute.

 

Des différences de prix substantielles entre opérateurs de mobilité ont été relevées, ainsi que des difficultés à comparer les prix. En effet, chaque opérateur de mobilité utilise une formule de tarification différente qui, loin de reposer uniquement sur un prix en euro par kilowattheure (€/kWh), comprend des frais de stationnement, des frais à la minute ou encore des frais fixes liés au lancement d’une session de recharge. Face à cette grande dispersion des modèles de prix, les consommateurs sont donc bien en peine de faire jouer la concurrence.

 

Les difficultés de comparaison des prix sont également valables pour la tarification à l’acte. Si d’après l’arrêté du 4 mai 2021 « relatif aux données concernant la localisation géographique et les caractéristiques techniques des stations et des points de recharge », les opérateurs d’infrastructures de recharge doivent transmettre au point d’accès national aux données de transport les caractéristiques des infrastructures selon un schéma de données spécifié.

 

Cela n’empêche pas la base de données disponible sur data.gouv.fr d’être incomplète ([2]) et difficile à utiliser pour le grand public.

 

De plus, le tarif à l’acte ne fait pas partie des données à transmettre obligatoirement.

 

Seuls 35 % des points de recharge présente les prix à l’acte dans leur base de données. Les utilisateurs de voitures électriques n’ont donc pas accès aux différents tarifs de la recharge à l’acte selon le point de recharge de manière centralisée, contrairement aux automobilistes utilisant une voiture thermique, grâce au site internet prix‑carburants.gouv.fr.

 

Ce manque de disponibilité des données se fait également ressentir dans les faits, puisque aucun affichage des prix à l’acte, à proximité du point de recharge et en bord de route sur autoroute, n’est pas obligatoire contrairement à ce qui existe pour les carburants pétroliers.

 

Cette opacité se retrouve également à l’étape de la facturation de la recharge, les différents composants de prix n’étant pas nécessairement distingués, notamment pour le prix de l’électricité facturée en €/kWh.

 

Afin de remédier à cette situation incohérente pour l’ensemble des usagers des infrastructures de recharge, la présente proposition de loi entend fixer un cadre de régulation de l’activité des opérateurs d’infrastructures de recharge et des opérateurs de mobilité pour qu’ils garantissent la transmission de l’information et sa transparence dans la tarification et la facturation pour les usagers. Une autre partie du texte entend améliorer le cadre normatif entourant l’installation des infrastructures à travers les schémas directeurs élaborés par les autorités disposant de la compétence d’aménagement des infrastructures de recharge.

 

L’article 1er créé une nouvelle section spécifique dans le code de la consommation consacrée aux modalités d’affichage des prix et de la facturation dans le cadre de l’usage de services de recharge pour véhicules électriques ouverts au public avec l’ajout d’une section 21. Celle‑ci comprend 6 articles (articles L. 224‑114 et suivants du code de la consommation).

 

L’article L. 224‑114 consacre l’obligation pour les opérateurs des infrastructures de recharge et les opérateurs de mobilité de mettre à disposition leurs données afin que soit disponible une cartographie des prix aux bornes de recharge sur un site internet dédié, sur le même modèle que le site prix‑carburants.gouv.fr. Un arrêté ministériel définit les modalités de mise en place de ce site internet comprenant une carte géographique.

 

L’article L. 224‑115 inscrit l’obligation pour les opérateurs des infrastructures de recharge de prévoir un affichage physique du tarif à l’acte applicable à proximité immédiate du point de recharge. Un arrêté ministériel définit les modalités d’application de cet affichage.

 

L’article L. 224‑116 prévoit l’obligation pour les gestionnaires d’autoroute de mettre en place un panneau en bord de route présentant les tarifs de la recharge à l’acte pour les infrastructures de recharge situées sur autoroute, sur le même modèle de ce qui existe pour les carburants pétroliers. Comme pour l’article précédent, seul le tarif de la recharge à l’acte et non celui des opérateurs de mobilité est affiché sur la pré‑signalisation. Un arrêté ministériel définit les modalités de mise en œuvre de la pré‑signalisation.

 

L’article L. 224‑117 rend obligatoire pour les opérateurs d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques de garantir un paiement par carte bancaire à la borne de recharge.

 

L’article L. 224‑118 crée une présentation standardisée des factures de la recharge aux infrastructures de recharge accessibles publiquement, sous la forme d’un prix au kilowattheure hors taxe et toutes taxes comprises, distinct des autres frais d’occupation potentiellement appliqués. Les modalités d’application de la présentation des factures sont mises en œuvre par arrêté ministériel.

 

L’article 2 inscrit dans le code de l’énergie l’obligation pour les opérateurs d’infrastructures de recharge de véhicules électriques de mettre à la disposition du public les données relatives à la tarification en vigueur au moment de la recharge. Ces dispositions assureront une mise en cohérence avec l’ajout de la nouvelle section dans le code de la consommation par l’article 1er. Elles permettront de rendre applicable la transparence sur la tarification envers tous les types d’usagers des infrastructures, notamment les entreprises.

 

L’article 3 rend obligatoire pour les établissements publics de coopération intercommunale qui possèdent la compétence d’aménagement des infrastructures de recharge, l’élaboration d’un schéma directeur de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables. Cette possibilité n’est que facultative dans le droit en vigueur. Or les schémas directeurs forment un outil adéquat pour assurer un bon maillage des infrastructures de recharge et des prescriptions sur leur aménagement. L’entrée en vigueur de cet article est renvoyée au 1er janvier 2026 pour laisser le temps suffisant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne disposant pas de schéma de pouvoir l’élaborer.

 

L’article 4 précise que les régions doivent assurer la mise en cohérence des schémas directeurs de développement des infrastructures de recharges ouvertes au public pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables élaborés dans leur ressort territorial. Il s’agit de vérifier la cohérence des implantations des infrastructures de recharge à l’échelle de la région et de lui permettre d’adresser des prescriptions aux autorités dotées de la compétence d’aménagement.

 

Pour prendre connaissance du dossier législatif