Proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale
Notre société est confrontée à des défis majeurs. La dégradation du lien social se manifeste dans nos territoires par la persistance d’un niveau élevé de délinquance, un accroissement des incivilités et des conflits de voisinage. Par ailleurs, l’accès aux droits demeure une préoccupation majeure : le niveau de non‑recours à certaines aides sociales, qui reste élevé, en témoigne. Enfin, notre société en pleine mutation (écologique, numérique) ne doit pas laisser de côté une partie de nos concitoyens, notamment les plus fragilisés.
Ces phénomènes nourrissent le sentiment d’abandon et de lassitude ressenti par les habitants, particulièrement dans les territoires les plus en difficulté : quartiers prioritaires de la politique de la ville, centres anciens dégradés, zones périurbaines, petites et moyennes villes, territoires ruraux, territoires ultra‑marins.
L’État et les collectivités territoriales partagent ce constat et identifient la même réponse : renforcer la présence humaine sur le terrain, au plus près des habitants et des besoins qu’ils expriment. Cette réponse passe par une présence accrue des professionnels de l’intervention sociale que sont les médiateurs sociaux, pour répondre aux besoins croissants et non satisfaits d’une société en évolution : il s’agit de renouer le lien social, contribuer à l’émancipation du citoyen et favoriser le vivre et l’agir ensemble.
La médiation sociale se caractérise par sa double finalité :
– Facteur de lien social et d’intégration, elle aide à restaurer une communication entre les personnes, les groupes de personnes et les institutions et facilite ce besoin d’être reconnu par l’autre ;
– Facteur de tranquillité sociale, elle participe à la régulation des tensions, à la prévention et gestion des conflits et des incivilités et favorise une citoyenneté active.
Elle doit ainsi contribuer :
– à restaurer le lien social et la cohésion sociale ;
– à prévenir la délinquance et l’exclusion ;
– à prévenir et gérer les conflits à la bonne échelle (celle du terrain qui les a vu naître) et à privilégier le règlement à l’amiable (plutôt que le recours à la voie judiciaire) ;
– à accroître l’accès aux droits et à diminuer le non‑recours aux aides sociales ;
– à redonner à chacun sa capacité à faire et à agir ensemble dans une société plus durable.
Cette réponse est fondée sur le dialogue et la négociation de proximité, au plus près des difficultés rencontrées par les habitants dans leur vie quotidienne. Au‑delà, il s’agit de renouer un lien social distendu, progresser vers davantage de cohésion sociale et territoriale, donner corps à la fraternité et à la solidarité au bénéfice des habitants pour honorer la promesse républicaine.
Ce qui est en jeu constitue un vrai projet de société, celui d’une société plus inclusive.
Les fonctions de médiation sociale se sont fortement développées ces dernières années. Dans une société marquée par une crise sanitaire et sociale inédite qui a provoqué de la distanciation sociale et créé des tensions, elles doivent être confortées et encouragées, en complémentarité et en cohérence avec les actions engagées par les acteurs socio‑culturels et d’éducation populaire, pour contribuer à mettre en pratique au quotidien les valeurs portées par la République.
En effet, la médiation sociale n’a de sens que si elle s’inscrit dans une coopération avec l’ensemble des autres acteurs, dans le champ social ou celui de la tranquillité publique. C’est dans cette chaîne de prise en charge, de continuum et de partenariat, que la médiation sociale trouve toute sa place.
Le secteur de la médiation sociale bénéficie d’un soutien significatif de l’État, via notamment le dispositif adultes‑relais, financé par le programme 147 « Politique de la ville ». Ce dispositif compte aujourd’hui 6 500 postes répartis sur la totalité du territoire national.
Au‑delà des adultes‑relais, on estime au total à 12 000 le nombre d’emplois existants de médiation sociale, regroupant des fonctions exercées sous des dénominations différentes : médiateurs sociaux, médiateurs socio‑culturels, correspondants de nuit, agents d’ambiance, etc. Ces dénominations renvoient à des pratiques professionnelles spécialisées. La médiation sociale concerne différents secteurs d’intervention : l’habitat et le logement, les transports, l’éducation, la tranquillité publique, l’intervention sociale, les services à la population…
Néanmoins, les pratiques de la médiation sociale se sont développées sans qu’un cadre légal unifié et reconnu par tous n’en régisse l’exercice pour le médiateur :
– Il n’existe pas à ce jour de texte législatif confortant la médiation sociale et reconnaissant son utilité sociale.
– Aucun texte relatif à la médiation sociale et aux médiateurs ne permet en l’état d’identifier les structures professionnelles, ni les médiateurs compétents.
– De nombreuses structures, qu’elles soient associatives ou publiques, développent des activités dans le domaine de la médiation sociale sans en connaître le cadre en l’absence d’un texte en régissant les pratiques.
Si le développement de la médiation sociale est souhaitable, il faut garantir la qualité des processus mis en œuvre par les acteurs du secteur. Il convient également de faire savoir aux commanditaires des prestations de médiation – collectivités territoriales, opérateurs publics de service… –qu’ils disposent de la garantie induite par l’adoption d’une démarche de qualité dans le secteur.
Cette garantie se révèle d’autant plus stratégique que le recours aux prestations de services dans le domaine de la médiation s’opère au travers de procédures de marchés publics : les acteurs associatifs de la médiation entrent alors en concurrence avec des entreprises du secteur marchand. Ils doivent par conséquent faire la démonstration de la qualité, tout autant que de la singularité de leurs offres.
Depuis plusieurs années, des acteurs du secteur réclament un encadrement de cette activité. C’est pourquoi, dans un premier temps, l’État, en appui au secteur de la médiation sociale, a soutenu le développement d’une norme AFNOR. Cette norme est basée sur les grands principes des normes internationales de management (réalisation d’un diagnostic, affectation de moyens nécessaires à la mise en œuvre des activités visées par la certification, activité professionnelle, évaluation et amélioration continue). Les champs couverts par la norme sont : le cadre de la structure, son offre de services, le management des équipes, les partenariats et la mesure de l’efficacité. Son homologation est devenue définitive en décembre 2021.
Plus récemment encore, le rapport parlementaire « Remettre de l’humain dans les territoires » remis le 28 mars 2022 au Premier ministre Jean Castex par Patrick Vignal, député de la 9ème circonscription de l’Hérault, dont l’objet était de réaliser un état des lieux de la médiation sociale et de formuler des propositions d’amélioration de l’existant, a réaffirmé, à travers 18 propositions, ce besoin de consolider un secteur encore trop fragile, notamment par la voie législative.
L’adoption de ces dispositions législatives permettra de donner un cadre au métier de médiateur social, à l’instar de celui d’éducateur spécialisé, déjà reconnu par ailleurs ; les médiateurs sociaux présents sur le terrain et cette profession, qui se développe et diversifie ses champs d’intervention, doivent disposer de la pleine reconnaissance des pouvoirs publics. Cette reconnaissance constitue un préalable au renforcement de la présence humaine dans les territoires : elle permettra aux médiateurs d’œuvrer en toute confiance et en complémentarité avec les autres métiers du travail social.
L’enjeu aujourd’hui est donc de donner un cadre légal à ce secteur. Tel est l’objet de la présente proposition de loi. Ses articles visent à reconnaître les métiers de la médiation sociale.
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