Proposition de loi visant à renforcer la protection des élus, des candidats aux élections et de leurs familles

Le 22 mars 2023, le maire de Saint‑Brévin‑les‑Pins (Loire‑Atlantique), Yannick Morez, a été victime d’un incendie volontaire et criminel de son véhicule, de son domicile et de plusieurs de ses biens, alors qu’il y dormait avec sa famille.

 

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, la violence envers les élus a atteint un nouveau paroxysme. En s’attaquant à la voiture bélier du domicile de Vincent Jeanbrun, maire de L’Haÿ‑les‑Roses, (Val‑de‑Marne), en s’attaquant à la famille de cet élu, c’est toute la République qui est touchée en son cœur.

 

Oui, s’attaquer à un élu n’est pas un acte anodin : c’est la République qui est visée. Qu’ils soient maires, adjoints, députés, sénateurs, conseillers départementaux ou régionaux, ils représentent ce qui fonde la structure de notre pays. Aussi, dans un contexte politique où la violence, véhiculée par tous canaux, se banalise à ce point envers ces élus, il est urgent de réagir.

 

Saint‑Brévin‑les‑Pins, L’Haÿ‑les‑Roses, Carnac, Magnières, Plougrescant, Vennans, et bien trop d’autres encore… Le nombre d’agressions envers les élus ne cesse d’augmenter en France. Entre 2021 et 2022, il est passé de 1 720 à 2 265 attaques recensées, soit une hausse de 32 % selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.

 

Dans la moitié des cas répertoriés, ces agressions concernent des maires ou des adjoints, et l’expression « être à portée d’engueulade » n’a jamais été aussi appropriée : les maires, incarnant la figure exécutive la plus proche des citoyens, sont les premiers à subir les attaques dirigées contre la République.

 

Mais ces actions visent également les parlementaires et les élus départementaux et régionaux. À titre d’exemple, en janvier 2022, 540 députés sur 577 affirmaient avoir déjà subi des agressions, physiques ou verbales, mais seuls 162 ont porté plainte.

 

Lors des élections locales ou nationales, ce sont aussi des candidats et leurs familles qui sont les cibles de ces actes de violence, et se trouvent souvent démunis pour se protéger et faire face aux dommages engendrés, que ce soit sur la plan physique, psychologique comme financier.

 

Cette haine à l’égard des élus s’est récemment concrétisée par le vandalisme de permanences, caillassées ou taguées, par toutes sortes d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux, dont les messages transgressent sans scrupules les fondements de l’État de droit. Trop de fois, la limite du domicile familial et de l’attaque à des proches est franchie. Trop de fois, le dommage psychologique devient indélébile. Tentatives de meurtre, agressions, prises à parti, insultes, menaces de mort ou encore dégradations constituent donc la liste non‑exhaustive des attaques dont les élus et souvent les familles sont victimes.

 

Malgré la gravité de ces actes, ils sont pourtant peu nombreux à porter plainte ; parfois par souci d’apaisement ou par peur des représailles et souvent par impression d’inutilité de la démarche. Parallèlement, nous assistons en plus à un phénomène de démissions de maires – 1 293 depuis 2020 – qui, s’il n’est pas complètement corrélé à la hausse des violences, n’en est pas détaché pour autant.

 

À cet égard, la loi n° 2019‑1461 « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a constitué une première étape dans la fortification de la protection des élus. Si la protection fonctionnelle existait déjà, la loi de 2019 l’a étendue, en obligeant toutes les communes de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts découlant de leur obligation de protection à l’égard du maire, de ses adjoints et des conseillers municipaux délégués.

 

Puis très récemment, la loi n° 2023‑23 du 24 janvier 2023 a permis aux associations d’élus, aux collectivités locales, au Sénat, à l’Assemblée nationale et au Parlement européen de se constituer partie civile afin d’accompagner les élus victimes d’agression, quelle que soit leur fonction, ainsi que leurs proches lors de la procédure en justice.

 

Tous en conviennent : ce n’est pas suffisant, nous nous devons d’aller plus loin et de protéger tous les élus, les candidats et leurs familles qui sont bien trop souvent des victimes collatérales. Les proches des élus ne doivent plus être des moyens de pressions et d’intimidations à tout engagement politique.

 

La mise en lumière de l’ensemble de ces dégradations et l’augmentation de ces violences, notamment sur les réseaux sociaux, ont tendance à freiner l’engagement citoyen. C’est un danger pour notre démocratie, puisque nombre de personnes ne souhaitent plus s’engager dans des élections. Dans ce contexte de crise des vocations électorales, nous devons donner aussi des garanties pour l’engagement des citoyens dans les campagnes électorales et pour permettre à chacun d’être candidat aux élections sans craindre pour sa sécurité, sans qu’il engage de frais personnels.

 

Aussi, tel est l’objet de la présente proposition de loi qui vise à renforcer la protection de tous les élus et des candidats, ainsi que leurs familles.

 

Le titre Ier vise à assurer une protection juridique et psychologique aux élus, candidats et leurs familles.

 

L’article 1er prévoit que la protection de la commune aux maires, adjoints et conseillers, victimes de violences, menaces ou outrages, est accordée dès la demande adressée au maire de la commune. La décision d’octroi naît à compter de la transmission de la demande de l’élu au préfet ou à son délégué. Le dispositif garantit la possibilité pour le conseil de se prononcer formellement sur l’octroi de la protection fonctionnelle à la demande de l’un de ses membres, en rendant obligatoire sa convocation par le maire après une demande en ce sens dans le délai de quatre mois et en prévoyant la transmission d’une note explicative. La prise en charge par l’État du coût de l’assurance souscrite par la commune au titre de la garantie de couverture du conseil juridique, de l’assistance psychologique et des coûts résultant de l’obligation de protection des élus précités est élargie aux communes de moins de 10 000 habitants.

 

L’article prévoit également qu’il revient à l’État et non à la collectivité de prendre en charge la protection de l’élu faisant l’objet de violences, menaces ou outrages à raison des faits accomplis en tant qu’agent de l’État, comme le prévoit déjà l’article L. 2123‑34 du code général des collectivités territoriales s’agissant de la protection de l’élu faisant l’objet de poursuites pénales et civiles lorsqu’il est poursuivi pour des faits qu’il a accomplis en tant qu’agent de l’État.

 

Les articles 2 et 3 mettent en place la même protection s’agissant des président et vice‑présidents et conseillers des conseils départementaux et régionaux.

 

L’article 4 sécurise le cadre légal applicable aux élus municipaux membres des communautés de communes, en corrigeant un vide juridique afin de leur rendre pleinement applicables les dispositions instituant une protection fonctionnelle et amoindrissant la responsabilité pénale des élus pour les actions menées dans le cadre de leur mandat. Pour ce faire, il insère une référence aux articles L. 2123‑34 et L. 2123‑35 à l’article L. 5214‑8 du code général des collectivités territoriales, et rend applicable ces dispositions à la Polynésie française.

 

L’article 5 permet aux titulaires d’un mandat électif, qui se sont vu refuser la souscription d’une assurance dommages des biens meubles et immeubles pour leur permanence électorale par au moins deux entreprises d’assurances, de saisir le bureau central de tarification pour faciliter leurs démarches et permettre la souscription de garanties.

 

L’article 6 élargit le bénéfice de la protection fonctionnelle aux candidats ayant déposé leur candidature, pendant toute la durée de la campagne électorale. Cette protection serait prise en charge par l’État, acteur impartial et garant de l’expression pluraliste des courants d’idées comme de la tenue régulière des opérations électorales. Ce même article ouvre également le droit à une prise en charge par l’État, quel que soit le résultat électoral et la taille de la collectivité, des dépenses engagées par tout candidat pour sa sécurité et celle de sa famille. Le coût financier et psychologique de réponse à une menace ou à une agression est également pris en compte. Celles‑ci seraient prises en charge à une double condition : d’une part, que la prestation de sécurité ne soit pas exercée par les forces de l’ordre et, d’autre part, qu’il existe une menace avérée envers un candidat.

 

Le titre II vise à assurer une protection physique.

 

L’article 7 demande un rapport au Gouvernement par l’intermédiaire du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus un rapport recensant l’ensemble des actions menées pour lutter contre les violences faites aux élus et leurs conséquences.

 

L’article 8 vise à ce que l’État prenne en charge une partie des dépenses des collectivités qui souhaitent mettre en place des dispositifs de protection ponctuelle des locaux et domiciles des élus en cas de menace avérée et formalisée.

 

Le titre III correspond à des mesures judiciaires qui visent à aggraver les peines en cas de violences contre les élus.

 

L’article 9 prévoit des peines spécifiques afin de sanctionner plus lourdement les auteurs de violences commises contre les élus. Il aggrave les peines encourues pour des faits de violences commises à l’encontre des élus, afin de les aligner sur les peines prévues pour les dépositaires de l’autorité publique ; à savoir cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende si les violences ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours et sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende si l’incapacité de travail qui en résulte dépasse huit jours.

 

Il prévoir également une nouvelle circonstance aggravante pour les cas de harcèlement, notamment en ligne, contre les élus. Cette disposition a vocation à répondre au développement des menaces en ligne et des injures proférées sur les réseaux sociaux ou dans le cadre de campagnes électorales pour affaiblir un candidat.

 

L’article 10 crée quant à lui un délit d’atteinte à la vie privée par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale d’une personne titulaire d’un mandat électif ou candidat permettant de l’identifier ou de la localiser afin de protéger les élus par l’interdiction de la diffusion malveillante de données personnelles, notamment sur un service de communication au public en ligne.

 

Le titre IV vise à améliorer les relations entre les élus et le monde judiciaire, pour une meilleure compréhension des décisions.

 

L’article 11 améliore l’effectivité du droit de droit de communication existant pour les affaires liées à des troubles à l’ordre public sur le territoire de la commune et résultant d’une plainte ou d’un signalement émis par ce dernier en le rendant systématique. Il impose également un délai d’un mois au procureur de la République pour communiquer les motivations des décisions de classement sans suite pour des affaires résultant d’une plainte ou d’un signalement du maire. Cette disposition a vocation d’assurer une meilleure compréhension des décisions judiciaires, singulièrement de classement sans suite, ce dernier qui doit devenir l’exception.

 

L’article 12 formalise la possibilité pour le procureur de la République de bénéficier d’un espace de communication dans les documents et bulletins municipaux, afin d’informer les décisions rendues en matière de violences faites aux élus.

 

L’article 13 fait référence à l’article 85 du code de procédure pénale, qui définit les conditions dans lesquelles une personne peut se constituer partie civile. Il est proposé d’y ajouter une dérogation, en précisant que les conditions de recevabilité d’une constitution de partie civile, notamment le délai de trois mois, ne s’appliquent pas aux personnes dépositaires de l’autorité publique. Cette nouvelle disposition permettra aux victimes d’ouvrir une instruction sans tarder.

 

L’article 14 propose d’étendre le délai de prescription à un an lorsque la victime est un élu communal. Cette mesure vise à établir une période spécifique qui diffère de celle du droit commun (3 mois), qui est considérée comme extrêmement courte et permet aux diffamations et injures sur Internet de prospérer sans que les auteurs en soient tenus responsables devant les tribunaux. Il est également important de souligner que, dans le cas de diffamations à caractère raciste, sexiste, homophobe ou handiphobe, le délai de prescription est déjà étendu à un an.

 

L’article 15 propose de mettre en place dans chaque unité de gendarmerie et de police un référent local, chargé de la prévention des violences envers les élus, qui veille également à l’accueil, à l’information sur le suivi des procédures judiciaires engagées par les élus, les candidats à des élections publiques et leurs familles pour des violences qu’ils ont subies.

 

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