Proposition de résolution visant à reconnaître l’existence de pratiques illicites dans l’adoption internationale en France et à mettre en place des mesures de réparation à destination des personnes qui en ont été victimes

Un pays s’honore toujours à regarder avec lucidité son Histoire.

 

La France, comme d’autres pays, doit aujourd’hui regarder avec lucidité les dérives de l’adoption internationale, que de nombreux témoignages ont depuis plusieurs années révélées.

 

L’adoption internationale s’est développée en France à compter des années 1950, avec une progression particulièrement marquée à partir des années 1970. Selon les statistiques du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 100 191 enfants nés à l’étranger ont été adoptés par des familles françaises depuis 1979. Un pic a été atteint en 2005, avec 4 133 adoptions internationales sur cette seule année, contre 232 seulement en 2022. Toutefois, ces chiffres ne permettent d’apprécier qu’inégalement l’ampleur de ce phénomène, en raison de l’absence de statistiques fiables, en particulier avant 1979.

 

Longtemps, la pratique de l’adoption internationale a reposé sur le cadre légal mis en place dans chaque État, souvent parcellaire et insuffisamment protecteur. En France, il faudra ainsi attendre le milieu des années 1980 et la loi du 26 juillet 1985 pour que l’obligation d’agrément, initialement réservée aux candidats à l’adoption d’un enfant pupille de l’État, soit étendue à tous les cas d’adoption, y compris aux adoptions internationales.

 

C’est également à la même période qu’interviennent les premières tentatives de régulation internationale, qui se sont traduites par la signature par la France de plusieurs textes plus protecteurs des droits de l’enfant. Il en est ainsi de la Convention internationale des Droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et de la Convention de la Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d’adoption internationale, cette dernière ayant pour objectif « d’établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant et dans le respect des droits fondamentaux qui lui sont reconnus en droit international ».

 

Leur application n’a toutefois pas permis d’endiguer les dérives constatées. Car, depuis plusieurs années, de très nombreux témoignages ont jeté une lumière crue sur les pratiques illicites qui ont émaillé les procédures d’adoption internationale dans plusieurs pays. Certains d’entre eux, comme le Sri Lanka, ont reconnu l’existence d’irrégularités, à l’insu des familles adoptives : faux actes de naissance, mères de substitution engagées pour donner le consentement à l’adoption devant le tribunal, existence de « fermes à bébés », enfants enlevés dans des maternités.

 

Dans une étude publiée en février 2023, MM Yves Denéchère et Fábio Macedo ont documenté l’ampleur des irrégularités constatées : « les signalements de déviances […]et de pratiques illicites ont été depuis les années 1980 très nombreux et très fréquents. Leur récurrence, voire leur répétition, montre que le phénomène est demeuré considérable au moins jusque dans les années 2000. Pour la période postérieure, les archives ne sont pas accessibles, mais d’autres sources prouvent sa persistance, même atténuée. Ces signaux d’alarme émanent de tous les acteurs de l’adoption internationale », allant jusqu’à indiquer que ces « signalements sont tellement nombreux qu’on peut s’interroger sur l’ordinaire des pratiques illicites et leur caractère systémique ».

 

Derrière ces pratiques illicites, ce sont les vies de milliers d’enfants, arrachés à leur famille d’origine, et de familles adoptives, qui ont été bouleversées.

 

Quelle connaissance avions‑nous de ces pratiques illicites ? Si des soupçons d’irrégularité existaient, pourquoi n’ont‑ils pas conduit à un arrêt préventif des adoptions ? Des responsabilités peuvent‑elles aujourd’hui être établies ?

 

Face aux nombreuses questions qui se posent, plusieurs pays ont engagé, au cours des dernières années, une démarche de transparence pour tenter d’y répondre.

 

En 2020, la Suisse a ainsi été le premier pays à reconnaître sa responsabilité dans certaines adoptions illicites survenues au Sri Lanka entre 1973 et 1997, indiquant que les autorités suisses, « informées dès 1981 par des articles de presse et des informations de la représentation Suisse à Colombo, n’ont semble‑t‑il pas envisagé de stopper les adoptions en provenance du Sri Lanka, estimant ne pas avoir de preuves suffisantes ».

 

En 2021, les Pays‑Bas ont également reconnu leur responsabilité, pointant que « dans certains cas, le gouvernement néerlandais était au courant d’ abus, mais n’est pas intervenu efficacement ».

 

En 2022, la Belgique a été le premier pays européen à adopter une résolution parlementaire reconnaissant l’existence d’adoptions illicites.

 

À son tour, la France s’est engagée sur le chemin de la recherche de la vérité. En novembre 2022, le Gouvernement a initié une mission interministérielle visant à identifier les pratiques illicites dans l’adoption internationale en France, dont les conclusions ont été récemment rendues.

 

Nous partageons la volonté du Gouvernement de faire toute la lumière sur ces dérives. La France doit se montrer à la hauteur des drames personnels qui se sont noués autour de ces pratiques illicites, afin de permettre aux personnes adoptées de connaître la vérité sur leurs origines. Afin, également, d’apporter des réponses aux familles concernées qui pensaient avoir adopté en toute légalité.

 

Au‑delà de ce travail engagé par le Gouvernement, il nous semble aujourd’hui important que l’Assemblée nationale puisse à son tour se saisir de cette question.

 

La présente résolution vise donc à la reconnaissance officielle de ces pratiques illicites par l’Assemblée nationale. À travers cette reconnaissance, nous souhaitons témoigner de la solidarité de l’Assemblée nationale aux personnes concernées et de son soutien dans leur recherche de la vérité.

 

Pour prendre connaissance du dossier législatif