Proposition de résolution pour la conservation et l’utilisation durable de la haute mer

L’Océan, plus des deux tiers de la surface du globe, a longtemps été considéré comme inaltérable et inépuisable. Nous pensions alors que cet espace était trop grand et ses ressources trop nombreuses pour souffrir des entreprises humaines. Nous nous trompions. L’état du monde et de son océan nous impose aujourd’hui d’agir.

 

Les défis auxquels nous sommes confrontés sont urgents et immenses : il nous faut combattre à la fois toutes les formes de pollutions marines, lutter contre le réchauffement et l’acidification de l’océan, la montée des eaux, ou encore la surexploitation de ses ressources.

 

Le rapport de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) publié le 6 mai 2019, quantifie ces changements. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont ainsi menacés. De même, 33 % des stocks de poissons marins en 2015 étaient exploités à un niveau biologiquement non durable. En outre, 400 « zones mortes », c’est‑à‑dire à faible teneur en oxygène et donc sans vie, ont été dénombrées dans le monde.

 

Les enjeux de la protection de l’océan dépassent ceux de la perte de biodiversité. En effet, l’océan joue un rôle fondamental dans la régulation du climat. L’océan stocke, par exemple, la chaleur que nous émettons, absorbe une part significative de dioxyde de carbone mais qui acidifie l’eau et affecte gravement les organismes marins calcaires. Toute question se rapportant à l’océan doit donc prendre en compte ces liens très particuliers et réciproques. Des liens insuffisamment connus du grand public et que le rapport spécial du GIEC sur l’océan et la cryopshère dans le contexte du changement climatique, publié le 25 septembre 2019, met parfaitement en évidence.

 

À l’aune de ce constat, la nécessité d’agir pour la protection de l’océan est très largement partagée, bien au‑delà des clivages politiques. En mars 2019, nous avons ainsi été cent‑dix parlementaires de tous bords à relayer l’appel « Océan bien commun » porté par une alliance de personnalités engagées. Cette même année, les députés ont été unanimes pour demander l’interdiction immédiate de la pêche électrique dans nos eaux territoriales. Plus récemment encore, lors du G7 parlementaire, le Président de l’Assemblée nationale s’est engagé avec ses homologues pour la protection de l’océan.

 

Forts de cette unité, tout autant que de notre histoire et de notre géographie, nous sommes convaincus du rôle éminent que la France se doit de jouer aux niveaux européen et international pour une gestion durable de la mer. Il est, en effet, certain que la France est une grande nation littorale et maritime. Elle est non seulement présente dans cinq océans et dispose de la deuxième zone économique exclusive, elle compte également une communauté scientifique et un secteur économique d’excellence. Ces qualités nous confèrent une responsabilité particulière au sein de la communauté internationale. Celle d’être à l’avant‑garde de la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité marine. Ces prochains mois ‑ avec la COP « bleue » au Chili, la Conférence des Nations‑Unies sur l’Objectif de développement durable 14 au Portugal et la Décennie de l’UNESCO pour les sciences océaniques ‑ nous offrent plusieurs belles opportunités de défendre cette ambition.

 

De même, la négociation actuelle « portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » dite « BBNJ » nous donne l’occasion de porter la voix de la France. Car à deux cents milles nautiques de la côte débute la haute mer, un espace hors de toute juridiction nationale où la liberté est la règle et la coopération l’exception, un espace amené à être soumis à de plus fortes tensions en raison des importants bénéfices attendus de l’exploitation de ses différentes ressources. La négociation « BBNJ » manque cependant de visibilité dans le débat public du fait de sa grande complexité. Elle porte, certes, sur des considérations principalement juridiques mais ses implications sont profondément politiques. Nous estimons donc utile d’apporter solennellement notre soutien à la position française en vue d’obtenir un accord « le plus ambitieux possible ». En effet, les Ministres de la Transition écologique et solidaire et de l’Europe et des Affaires étrangères ont affirmé conjointement que tel était l’objectif de la France.

 

Il est donc important de préserver les services écosystémiques rendus par l’océan (régulation du climat, nourriture, matériaux, loisirs, etc.) dans une perspective de développement durable. Obtenir un accord ambitieux dans le cadre de la négociation « BBNJ » y contribuera grandement. La négociation porte, en effet, sur quatre thèmes :

– les outils de gestion par zone, dont les aires marines protégées, pour protéger la biodiversité et renforcer notre résilience face au changement climatique ;

– les études d’impact environnemental pour fournir un cadre au développement des activités économiques en haute mer ;

– les ressources génétiques et les questions liées au partage des avantages tirés de leur exploitation ;

– le renforcement des capacités et le transfert de techniques marines au profit des États en voie de développement.

 

Pour prendre connaissance du dossier législatif