Proposition de résolution, visant à garantir l’intégrité de l’information sur le changement climatique face à la désinformation climatique et aux ingérences étrangères

Méga‑feux, épisodes caniculaires, inondations et ouragans : les crises environnementales n’ont jamais autant affecté notre pays, en hexagone et dans les territoires ultramarins. Avec l’intensification des crises climatiques, la bonne information des citoyennes et des citoyens vis‑à‑vis des enjeux environnementaux actuels est une garantie indispensable du débat démocratique. Pourtant, les sondages successifs montrent la défiance croissante des Françaises et des Français à l’égard des médias. Ainsi, seuls 32 % de nos concitoyennes et concitoyens estiment qu’on peut « avoir confiance dans ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité », d’après le baromètre La Croix‑Vérian 2025 de la confiance des Français dans les médias. 

 

Dans le même temps, la montée dans le monde d’un populisme d’extrême droite porteur d’un discours ouvertement climatosceptique renforce la désinformation climatique. Aux États‑Unis, M. Donald Trump assume de mener une politique antiscience en particulier en direction des sciences du climat, et coupe drastiquement dans les budgets alloués à la recherche. Alors que la défiance envers les médias s’accentue de manière générale dans la population, la désinformation climatique, soit la diffusion intentionnelle de contre‑vérités relatives aux enjeux liés aux dérèglements climatiques, progresse. En France, certains élus du Rassemblement national considèrent que les experts du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) « ont tendance à exagérer », et contestent les origines humaines du dérèglement climatique. Le journaliste Thomas Huchon a documenté le passage d’un consensus scientifique sur le réchauffement climatique dans les années 1970, à la promotion et au financement de fausses études pseudo‑scientifiques par des grands groupes industriels, destinées à propager la désinformation. En effet, comme le souligne l’association Quota Climat, de nouvelles coalitions d’acteurs (l’extrême droite, mais aussi des puissances étrangères comme la Russie) ont des intérêts communs à désinformer massivement la population sur ces enjeux. Irlande, Bulgarie, Suède ou Allemagne ont été concernés par la prolifération de narratifs fallacieux à l’occasion de la panne électrique en Espagne et au Portugal, le 28 avril 2025. La France pourrait être exposée d’une manière similaire lors des prochains scrutins municipaux et nationaux, entachant leur intégrité.

 

Les médias sont pourtant un outil essentiel du débat public. Ils sont les garants de la liberté d’informer, et du droit des citoyennes et citoyens à avoir accès à une information fiable et indépendante. Une récente note réalisée par les associations Quota Climat, Data for Good et Science Feedback fait état de 128 cas de désinformation climatique (soit environ dix par semaine) dans les médias audiovisuels français au cours du premier trimestre 2025. En décembre 2024, parmi l’ensemble des faits de désinformation recensés en Europe par l’Observatoire européen des médias numériques, 13 % portaient sur le climat, soit le sujet le plus exposé à la désinformation au niveau européen. Cette propagation de la désinformation climatique par les climatosceptiques alimente la défiance envers les politiques publiques de protection de l’environnement, de santé publique et d’adaptation aux dérèglements climatiques. 

 

Face à cette menace, l’Union européenne a engagé plusieurs démarches importantes pour encadrer l’espace informationnel — du règlement sur les services numériques au Digital Markets Act, en passant par le règlement sur les services de médias et l’initiative « Bouclier démocratique européen ». Ces instruments posent des bases juridiques utiles pour protéger le pluralisme et l’indépendance de l’information. 

 

Toutefois, la régulation demeure fragmentée et peine à intégrer pleinement les enjeux spécifiques liés à la désinformation climatique dans l’espace informationnel, alors même que la Commission européenne reconnaît désormais les liens profonds entre protection des médias, résilience démocratique et lutte contre les risques climatiques, dans sa communication COM(2024) 91 final relative à la gestion des risques climatiques et à la protection des personnes et de la prospérité. 

 

Récemment, des initiatives internationales ont été prises pour lutter contre la désinformation climatique. Le lancement en 2024 de l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur les changements climatiques, soutenue notamment par l’Unesco, le G20 et le Brésil, marque un tournant dans la reconnaissance internationale de la nécessité de lutter contre la désinformation climatique. Cette initiative est désormais appelée à se décliner en feuilles de route nationales, comme l’a fait le Brésil en mars dernier, ce qui ouvre une opportunité stratégique pour l’Union européenne et ses États membres, dont la France. 

 

Lors du sommet Choose Europe for Science le 5 mai dernier à la Sorbonne, le Président de la République a déclaré que la « lutte contre la désinformation en matière de sciences, de climat et de santé » fait partie des dix chantiers du siècle pour assurer l’autonomie stratégique européenne. Une priorité stratégique réitérée de manière conjointe par la France et le Brésil, le 5 juin dernier, dans un communiqué commun au sujet de l’organisation de la COP 30 à Belém en novembre 2025. Il est désormais nécessaire de traduire ces engagements en actes.

 

Afin de répondre à la menace croissante que représentent les manipulations de l’information et les ingérences étrangères pour les démocraties européennes, la souveraineté et l’efficacité de l’action climatique, la présente proposition encourage une mobilisation accrue des institutions européennes et des États membres. Elle invite le Comité européen pour les services de médias à activer les groupes de travail compétents pour renforcer la lutte contre la désinformation climatique, et recommande à la Commission européenne de se doter d’une feuille de route opérationnelle dédiée à ce sujet. Elle appelle également les États membres à rejoindre l’Initiative mondiale pour l’intégrité de l’information sur le changement climatique et à inscrire cette exigence au sein de leur contribution déterminée au niveau national (CDN) en vue de la COP 30. Enfin, elle encourage le lancement d’un chapitre européen de cette initiative d’ici l’automne 2025, ainsi qu’un chapitre français, afin d’affirmer un leadership européen sur la transparence et la fiabilité de l’information environnementale.

 

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