Proposition de résolution, visant à la reconnaissance du droit à l’alimentation et à l’adoption d’une loi-cadre pour le droit à l’alimentation
« La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent » affirmait Brillat‑Savarin. Alors, que penser de la persistance et de l’aggravation de la faim et de la malnutrition en France, pays de la gastronomie et premier producteur agricole européen ?
Bien que difficile à appréhender avec précision, du fait du manque de données suivies, les inégalités qui affectent l’accès à l’alimentation en France, sont particulièrement préoccupantes. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) estimait ainsi qu’en 2022, 16 % des personnes interrogées ne mangeaient pas à leur faim. Ils étaient 9 % dans cette situation en 2016. D’après cette même étude, à cette insuffisance alimentaire quantitative, s’ajouterait une insuffisance alimentaire qualitative bien plus massive et qui concernerait 45 % des Français.
Ce tableau sur l’état alimentaire du pays peut être complété par d’autres indicateurs tout aussi inquiétants. En 20 ans, le nombre de diabétiques a connu une hausse de 160 % révélant un déséquilibre alarmant dans l’accès à une alimentation saine. De même, la prévalence du surpoids et de l’obésité progresse depuis 20 ans et touche aujourd’hui près d’un adulte sur deux. Par ailleurs, bien que confrontés à une charge de travail très lourde, environ 18 % des agriculteurs français vivent sous le seuil de pauvreté, soulignant la précarité de nombreux travailleurs de la production alimentaire.
À ces préoccupations sanitaires et sociales, s’ajoutent celles écologiques et climatiques, appelant à une transformation profonde des systèmes alimentaires, afin d’assurer à chaque personne un accès digne à une alimentation suffisante et de qualité.
Ces considérations ne relèvent pas seulement d’une priorité politique à affirmer. Elles déclinent les attendus du droit à l’alimentation, tel que défini en droit international, et que la France est tenue de respecter, protéger et mettre en œuvre, conformément à ses engagements internationaux. Le droit à l’alimentation est consacré notamment par l’article 11 du Protocole international des droits économiques, sociaux et culturels de 1966 que la France a ratifié en 1980.
Le contenu du droit à l’alimentation va bien au‑delà du socle minimal protégé par le droit fondamental d’être à l’abri de la faim. Les États ont l’obligation de progresser vers la concrétisation pleine et entière du droit à l’alimentation en veillant à ce que la nourriture soit disponible, accessible, durable et adéquate pour toutes et tous. Ces quatre exigences conduisent à une perspective transversale et englobante de l’ensemble des enjeux qui entourent les systèmes alimentaires. L’approche basée sur les droits humains permet, de plus, de les aborder avec une attention particulière portée à toute logique d’inégalité, d’exclusion ou de rapport de pouvoir, tout au long de la chaîne alimentaire. L’interprétation du droit à l’alimentation est donc indissociable de l’exigence d’une transition juste vers des systèmes alimentaires durables.
Cependant, le droit à l’alimentation n’est ni pleinement reconnu dans les textes et par les juges en France, ni garanti effectivement sur le territoire français. Cette lacune a été relevée en 2023 et 2024 par deux organisations internationales ‑ le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ‑ qui recommandent à la France d’adopter une loi‑cadre sur le droit à l’alimentation pour orienter, à court, moyen et long terme, les politiques publiques liées aux systèmes alimentaires, mais aussi promouvoir des modèles de production et de consommation plus équitables, durables et respectueux des droits humains.
À travers cette résolution, la représentation nationale souhaite donc faire sienne ces recommandations et affirmer la nécessité pour la France d’inscrire le droit à l’alimentation dans la Constitution. En cohérence, la représentation nationale invite à l’adoption d’une loi‑cadre sur le droit à l’alimentation et à l’engagement d’un travail d’évaluation des dispositions législatives ayant une incidence sur la disponibilité, l’accessibilité, la durabilité et l’adéquation de l’alimentation.
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