Proposition de résolution, visant à renforcer l’action française en matière de lutte contre la malnutrition à l’occasion de l’accueil du Sommet Nutrition pour la croissance
Aujourd’hui, une personne meurt de la faim ou de ses conséquences toutes les quatre secondes dans le monde. Si la précarité alimentaire est la cause principale de ce phénomène, les faibles investissements dans les systèmes de santé, de protection sociale, ainsi que dans les domaines de l’eau, de l’hygiène et de l’assainissement, sont également déterminants.
Il est impératif d’adopter des solutions systémiques et multisectorielles, axées sur l’amélioration des conditions de vie des femmes et sur la lutte contre les inégalités structurelles.
La malnutrition tue. Elle tue aussi des enfants. Près de la moitié des décès d’enfants de moins de 5 ans y sont liés. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, dans la majorité des cas, les enfants ne meurent pas directement de malnutrition, mais de conditions que celle‑ci aggrave ou déclenche. La malnutrition représente, en effet, un facteur de risque majeur de mort prématurée. La nutrition est essentielle au bon développement cognitif, mental et physique des enfants, au renforcement de leur système immunitaire, à leur capacité d’apprentissage et à leur résilience face aux défis de la vie.
Aujourd’hui, ce sont près de 150 millions d’enfants qui accusent un retard de croissance et 45 millions qui souffrent d’émaciation. La dénutrition, le surpoids et les carences en nutriments entraînent de graves risques pour la santé, voire la survie, de millions d’enfants, de femmes et d’hommes partout dans le monde. Les choix, les engagements politiques et les financements actuels ne permettent pas de répondre aux besoins réels, qui ne cessent d’augmenter depuis 2017. Les efforts consentis jusqu’à présent sont insuffisants pour atteindre l’Objectif de développement durable n° 2, relatif à l’éradication de la faim et de la malnutrition sous toutes ses formes, d’ici 2030.
Pourtant, le droit à l’alimentation est reconnu dès 1948 par l’article 25 de la déclaration universelle des droits de l’Homme, puis par l’article 11 du pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). M. Mickaël Fakhri, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation, le définit comme « le droit d’avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit aux moyens d’achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d’angoisse, satisfaisante et digne .
La multiplication des conflits, les impacts du changement climatique et la pandémie de covid‑19 ont considérablement aggravé les inégalités alimentaires, sanitaires et nutritionnelles. Ces crises interconnectées ont des répercussions multiples. D’une part, elles entraînent une augmentation des prix des denrées alimentaires, comme ce fut le cas après le déclenchement de la guerre en Ukraine, et fragilisent la résilience économique des pays, réduisant leur capacité à absorber de futurs chocs. D’autre part, ces crises perturbent les systèmes de santé et compromettent l’accès aux interventions nutritionnelles indispensables pour les populations touchées par la malnutrition.
La situation est d’autant plus inquiétante pour les populations les plus vulnérables. Une réponse globale et coordonnée pour limiter les impacts de ces crises est urgente.
Les femmes et les filles comptent parmi les personnes les plus affectées par les différentes formes de malnutrition dans le monde. Plus d’un milliard d’adolescentes et de femmes souffrent de sous‑nutrition ou des effets néfastes de la malnutrition telles que l’émaciation, le retard de croissance, les carences en micronutriments et l’anémie. Les inégalités de genre limitent l’accès des femmes et des filles aux ressources nutritionnelles et aux soins essentiels à leur santé et à leur développement. Elles forment un cercle vicieux avec la malnutrition : en restreignant l’accès aux aliments, aux ressources agricoles et financières ainsi qu’aux soins, elles affaiblissent les capacités physiques et cognitives des femmes, compromettant leur éducation et leur autonomie économique.
La malnutrition demeure un défi de taille. Il est urgent de faire plus, car des solutions existent. D’après les estimations de la Banque Mondiale, 13 milliards de dollars supplémentaires par an seraient nécessaires pour généraliser des activités « à fort impact » de prévention, détection et prise en charge de la malnutrition comme l’alimentation thérapeutique ou la supplémentation en micronutriments. Les mettre en œuvre permettrait d’éviter 6,2 millions de décès d’enfant de moins de 5 ans sur les dix prochaines années.
La régulation des environnements alimentaires est également cruciale pour lutter contre la malnutrition, notamment face à une autre forme de malnutrition en pleine explosion : le surpoids et l’obésité. Surpoids et obésité peuvent notamment entraîner des maladies tout au long de la vie, comme le cancer, le diabète et les maladies cardiaques. Or, près de 20 % des enfants de 5 à 19 ans sont en surpoids. Les pratiques actuelles de production et de consommation, favorisant les aliments ultra‑transformés, créent des environnements nocifs, notamment pour les populations vulnérables. Des mesures telles que l’étiquetage nutritionnel, les restrictions publicitaires ou les taxes sur les produits sucrés sont des outils efficaces pour encourager des choix alimentaires plus sains. Il est de notre devoir, n tant que législateurs, de mettre en œuvre des politiques publiques protectrices de la santé des populations.
La France s’est engagée à organiser la prochaine édition du Sommet Nutrition for Growth (N4G) à l’issue du dernier Sommet, au Japon, il y a trois ans. À Tokyo, gouvernements, organisations internationales, ainsi qu’acteurs de la société civile, du secteur privé et du monde académique étaient parvenus à mobiliser 27 milliards de dollars en faveur de la nutrition d’ici 2025. L’enchaînement des crises, la multiplication des conflits et l’accélération du changement climatique ont cependant rendu ces engagements financiers insuffisants pour faire face à la crise mondiale de la nutrition.
En tant que pays hôte du N4G, il est crucial que la France élève son ambition et prenne des engagements qui répondent à l’ampleur des besoins. Notre pays doit mobiliser la communauté internationale, les banques publiques de développement et toutes les parties prenantes pour répondre aux défis posés par la malnutrition.
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