Sud Ouest – En Charente-Maritime, un seul député sur cinq a accepté de nous dévoiler ses dépenses en détail
Face aux récentes polémiques concernant les dépenses des élus de proximité, « Sud Ouest » a demandé aux cinq députés de Charente-Maritime d’explorer leurs comptes. Quatre d’entre eux ont coopéré, avec plus ou moins de précision.
Avec 10 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté, les dépenses de certains élus font parfois grincer des dents. Au mois de septembre notamment, plusieurs représentants parisiens ont été épinglés pour leurs achats de vêtements de luxe aux frais des contribuables. Une défiance qui se transforme parfois en fantasme, alimenté par l’aspect mystérieux qui se dégage de ces dépenses réalisées avec de l’argent public.
En Charente-Maritime, « Sud Ouest » a décidé de questionner les principaux intéressés. Après que 20 maires nous ont détaillé leurs notes de frais, les cinq députés du département ont été sollicités à leur tour. « Sud Ouest » leur a ainsi demandé d’avoir accès au détail de l’utilisation de l’avance de frais de mandat (AFM), cette enveloppe mensuelle d’environ 6 000 euros qui doit leur permettre de répondre aux besoins liés à l’exercice de leur mandat et qu’ils peuvent utiliser comme bon leur semble (dans la limite des règles déontologiques de l’Assemblée nationale).
Sur les cinq députés, seul Fabrice Barusseau (Parti socialiste) nous a laissé accéder à ses relevés de compte dans leur intégralité. Olivier Falorni (Les Démocrates) et Benoît Biteau (Les Écologistes) nous ont eux fourni un résumé des pôles de dépenses établi par leurs experts-comptables respectifs. Christophe Plassard (Horizons) a lui accepté de nous expliquer oralement ce qu’il fait de cette enveloppe, sans fournir à « Sud Ouest » les documents permettant de vérifier ses déclarations.
Contacté à cinq reprises depuis le 1er septembre 2025, Pascal Markowsky (Rassemblement national) n’a répondu à aucune de nos sollicitations. Pour rappel, en mars 2025, l’élu d’extrême droite avait vu une partie de ses comptes de campagne (pour les législatives 2024) rejetée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui avait jugé ses frais de déplacement excessifs.
Du côté du député de la 3e circonscription de la Charente-Maritime – Fabrice Barusseau –, la transparence ne joue pas en sa défaveur. Parmi ses dépenses les plus importantes : les loyers de ses deux permanences (plus de 1 000 euros), des frais logistiques (électricité, assurance, imprimante, ménage…) ou encore des frais de bouche et de déplacement qui n’ont rien d’extravagant.
Les dépenses qui paraissent les plus mystérieuses sont celles effectuées par chèques pour un montant de 9 000 euros depuis juillet 2024. Il s’agit en réalité, selon le député, du montant dépensé pour des courriers individuels adressés à tous ses administrés pour les inviter aux réunions publiques. Ce qui pourrait faire sourire à la limite ? L’achat de deux costumes au début de son mandat (419 et 309 euros) dans une boutique de Saintes. « Je pensais qu’il fallait quand même que je sois présentable quand je suis dans l’Assemblée », anticipe le député, soucieux que sa franchise ne se retourne pas contre lui. Pas de quoi susciter une polémique.
Du côté d’Olivier Falorni, selon une moyenne établie entre 2020 et 2024, 58 % de son AFM est consacré à sa permanence rochelaise et aux dépenses associées. Pour le reste : 17 % dans ses déplacements, 8 % en frais de réception et de représentation, 6 % en hébergement, 5 % en communication… Impossible de disséquer davantage, c’est dommage.
En guise de bonne foi, le député précise qu’il a déjà fait l’objet de contrôles en 2021 et 2023 par le déontologue de l’Assemblée nationale – comme il est d’usage – et que ses comptes ont été entièrement validés (attestation à l’appui). Il souhaite également rappeler que les notes de frais « sont une pratique courante dans de nombreuses autres professions ». À la différence près qu’il s’agit ici d’argent public.
Pour Benoît Biteau, la répartition est similaire : 45 % pour sa permanence, 24 % pour ses déplacements, 18 % en hébergement et repas, 9 % en frais de réception et de représentation ou encore 3 % en communication, selon les chiffres du second semestre 2024 (juste après son élection). Là encore, une analyse plus précise n’est pas possible.
Selon Christophe Plassard, ses postes de dépenses seraient également sensiblement les mêmes. À noter qu’en plus de sa permanence fixe, le député possède un camion-permanence itinérant pour lequel il a engagé un prêt sur cinq ans. « Une fois ma mission terminée, le camion sera revendu et les bénéfices iront à l’Assemblée nationale », assure-t-il. Des frais de déplacement qui pèsent lourd… « Un député des champs n’a pas le même coût qu’un député des villes s’il souhaite être un élu de proximité. » On aurait aimé voir ça en détail.