Sud-Ouest – Fin de vie : pour Olivier Falorni, enfin l’heure de vérité

À l’Assemblée, le député de la Charente-Maritime s’est rendu incontournable sur les questions liées à la fin de vie. Retour sur les origines de son engagement

 

Ce lundi 27 mai, à l’Assemblée nationale, juste après l’introduction de la ministre de la Santé du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, le Rochelais Olivier Falorni montera à la tribune : le rapporteur de la commission spéciale sera le premier élu de la République à prendre la parole dans l’Hémicycle pour amorcer le marathon parlementaire.

 

Le député MoDem et indépendants de la Charente-Maritime ne peut qu’être prêt. C’est son sujet de prédilection. Des mois, des années qu’il se prépare. Peut-être même depuis qu’il siège au Palais Bourbon. Douze ans plus tôt, fraîchement élu, sa première question au gouvernement visait à savoir si le gouvernement Ayrault serait disposé à instaurer un droit à mourir dans la dignité. Son intervention avait été parasitée par le brouhaha émanant des travées. L’ex-socialiste était alors réduit au rang de tombeur de Royal. On entendait des voix crier « Ségolène ». Et derrière lui, Jean-Louis Borloo, qui ne cessait de rire.

 

Fini de rigoler. « On entre dans la dernière étape du processus. La loi sera votée, je n’ai pas d’inquiétude là-dessus. L’enjeu maintenant, c’est de faire en sorte que le contenu corresponde aux attentes des Français et notamment des malades », prévient-il. « Nous ne remplirions pas notre mission de parlementaire si nous faisions une loi ouvrant un droit presque inaccessible. » Il pense notamment aux personnes atteintes de la maladie de Charcot qui se trouvaient, dit-il, mises hors jeu par le texte initial. Sa réécriture par la commission a suscité de vives réactions, y compris au sein de la majorité à laquelle il est apparenté. Olivier Falorni ne supporte pas l’idée que la séquence débouche sur une loi sans substance. Il se bat depuis trop longtemps.

 

Il préfère la notion de cause à celle de combat. Son engagement, il le date de la fin des années 1980, à l’occasion d’une conférence organisée à La Rochelle par l’ancien maire Michel Crépeau, avec une autre figure radicale, l’Agenais Henri Caillavet, premier parlementaire à s’être emparé du sujet : en avril 1978, le rapporteur de la loi Veil au Sénat avait déposé une proposition de loi relative « au droit de vivre sa mort ». « Je devais avoir 18-20 ans. Il explique, et me convainc, que la situation de la fin de vie en France contrevient à tous les principes républicains. » Propulsé à l’Assemblée, il en fera la mère de toutes ses batailles.

Son premier mandat sera celui du déniaisement. Il avait cru Hollande lorsqu’en campagne, en 2012, il avait promis une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». Cela a débouché sur la loi Claeys-Leonetti n’autorisant ni l’euthanasie ni le suicide assisté. « J’étais peut-être naïf, ça me semblait être l’ADN du PS. »

 

Au cours de son second mandat, il interpelle publiquement Agnès Buzyn, lui demandant si elle aura le courage de Simone Veil. Il voit l’Espagne, l’Autriche bouger, le Portugal plus récemment. Pas la France. « Même les cours suprêmes en Allemagne et en Italie ont dépénalisé le suicide assisté. »

Un premier tournant – politique – interviendra à son initiative le 8 avril 2021. Exploitant la niche parlementaire de son groupe, il impose le débat à l’Assemblée et parvient à y remporter une victoire symbolique. Sa proposition de loi accordant aux personnes souffrant d’une pathologie incurable une « assistance médicalisée » pour mourir « par une aide active », butant sur une obstruction féroce, n’est pas votée mais le premier amendement, celui contenant l’essence du texte si, obtenant 83 % de votes pour. « C’est un marqueur politique fort, il montre que l’Assemblée nationale est favorable à l’ouverture de ce droit. »

 

Deux autres tournants vont enfoncer le clou : l’un, scientifique (l’avis du Comité consultatif national d’éthique ouvrant en 2022 la voie à une « aide active à mourir ») et l’autre, citoyen (les conclusions de la Convention citoyenne, en 2023). Falorni s’applique à maintenir la pression, cosignant une tribune avec Line Renaud appelant à sortir la France de « l’hypocrisie », il relaie la parole d’Élisabeth Badinter assurant que son mari aurait soutenu le projet de loi. Il reste profondément marqué par le tête-à-tête, le 10 novembre 2021, au domicile de l’ex-garde des Sceaux. « Un des plus grands moments de ma vie politique. » Celui-ci avait sa proposition de loi sur le bureau, surlignée. La figure tutélaire l’avait rassuré.

 

Ce chemin a bien dû coûter quelques sacrifices et critiques. « C’est un combat opportuniste et faussement courageux. La très grande majorité des Français sont pour. Il ne prend pas de risque en embrassant cette cause », tacle un ancien soutien. « Si ce combat était si facile, nous ne serions pas là en 2024 à en débattre », réplique le député.

 

Lui s’en défend mais beaucoup sont convaincus que son ralliement à un groupe de la majorité ainsi que son silence sur la réforme de la retraite visaient à le mener à ce 27 mai. « Il joue un double jeu », pestait un syndicaliste de la CFDT lors d’une manifestation devant sa permanence en mars 2023. « Il veut une loi sur la fin de vie – certes honorable – qui portera son nom mais au prix de grands écarts qui ne font pas honneur à la politique. » Lui l’assure : aucun pacte de non-agression n’a jamais été passé avec le gouvernement ou avec le président de la République. Et s’il s’est tu à l’époque sur la réforme des retraites, c’était davantage par solidarité avec ses collègues.

 

Si jamais il y a loi, elle ne portera aucun nom, Emmanuel Macron ne voulant pas personnifier les textes votés sous sa mandature. Pierrette Allain, ancienne colistière et ancienne déléguée départementale de l’ADMD, en est convaincue : « Elle ne portera pas son nom mais on se souviendra que c’est lui qui la portait. » Une loi Falorni consacrant son engagement sur un tel sujet de société, probable qu’il en ait rêvé – au moins une ou deux fois en se rasant. Mais ça, il ne l’avouera jamais.