Sud Ouest – « On a sauvé le site » : un bâtiment de 1 000 m² pour les démineurs de La Rochelle
Menacé de fermeture en 2015 puis en 2017, le centre de déminage s’ancre durablement dans de nouveaux locaux. Les démineurs rochelais interviennent dans huit départements du Centre-Ouest.
En 2015, pour les remercier d’être le premier site de l’Hexagone mis en conformité avec les réglementations sur les installations classées, le centre de déminage de La Rochelle apprenait par le ministère de l’Intérieur sa fermeture imminente. « On avait été surpris », partage celui qui n’avait pas ménagé ses efforts pour mener le dossier, le commandant Claude Clarès.
Sauvés in extremis, les démineurs rochelais voyaient ressurgir la menace en 2017. Les syndicats de police, le maire de La Rochelle Jean-François Fountaine et le député Olivier Falorni, alors à l’unisson, avaient battu campagne auprès du ministre de l’époque pour rappeler l’importance du centre de déminage de Charente-Maritime qui intervient dans huit départements du Centre-Ouest. En 2025, la pose de la première pierre du futur bâtiment administratif en bordure de la bretelle qui relie la Pallice à Chef-de-Baie signe enfin la pérennité du service à La Rochelle. « On a sauvé le site », sourient les démineurs.
D’ici à la fin de l’année, un bâtiment de 1 000 m² va pousser à côté des locaux actuels des démineurs, un bunker allemand, ancien site d’assemblage des torpilles pendant la Seconde Guerre mondiale. Ça ne s’invente pas. La particularité du lieu en fait l’endroit idéal pour le dépôt de munitions depuis 1977. Des murs d’1,40 mètre d’épaisseur et un plafond de 2,50 mètres. La solidité du lieu a permis d’obtenir plus rapidement le Graal, cette fameuse certification d’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Le projet de construction de locaux administratif ne date pas d’hier. Un nouveau bâtiment est dans les cartons depuis l’acquisition des terrains voisins. C’était en 2013.
Grandes baies vitrées, terrasses en bois… Les démineurs du centre de La Rochelle vont devoir s’habituer à voir le soleil. Actuellement, pour atteindre la salle de repos, il faut entrer dans l’antre du monstre de béton qu’est le bunker, sans fenêtre. Après le garage où sont stationnés les 11 véhicules d’intervention, on pénètre dans un musée de munitions connu seulement des initiés, avant d’atteindre, enfin, la cafetière et le canapé. Ici, ils peuvent se détendre quelques minutes au cœur des astreintes H24. Et les sollicitations sont nombreuses.
Composé de neuf personnes dont quatre plongeurs-démineurs, le centre de déminage de La Rochelle n’a pas un usage décoratif. Chaque année, entre 10 et 15 tonnes de munitions sont collectées et détruites. Les démineurs reçoivent 500 demandes d’interventions par an. Si on retient plus particulièrement les opérations de neutralisation de bombes des deux grandes guerres, leur quotidien se partage aussi entre les colis suspects et les actions de sécurisation lors des voyages officiels ministériels.
Leur zone couvre la Charente-Maritime, la Charente, les Deux-Sèvres, la Vienne, la Haute-Vienne, la Creuse, l’Indre et l’Indre-et-Loire ; 30 à 40 % des événements ont lieu en Charente-Maritime. Les centres les plus proches sont Bordeaux et Nantes. S’il fallait encore le sauver, il est utile de rappeler que la capacité de stockage du centre de déminage de La Rochelle est très importante, et qu’il est situé à proximité de la base hélicoptère de la protection civile. « Grâce à Dragon 17, on peut être en cinquante minutes à Tours », défend Claude Clarès.
Dans l’imaginaire collectif, le démineur est cet être anonymisé par une combinaison épaisse, qui espère que « ce soit bien le fil rouge »… Claude Clarès, placide, promet qu’il n’a « jamais vraiment peur. On sait sur quoi on va. C’est un métier à risques au même titre que chauffeur routier. Ça peut survenir à n’importe quel moment. » Les techniques d’intervention ont bien évolué. Il n’y a pas si longtemps, la menace terroriste menait parfois à la paranoïa des autorités. Un sac-poubelle pouvait être suspecté. Les démineurs de La Rochelle connaissent la grande gare de Saint-Pierre-des-Corps dans ses moindres recoins. « On y a été très souvent mobilisés. » Il fallait aller vite.
« Les outils d’aujourd’hui nous permettent d’intervenir de façon plus efficace et plus rapide, explique l’adjoint du centre de déminage de La Rochelle, Olivier. Un colis, on voit vite s’il est suspect ou pas. On peut lever le doute rapidement, sans avoir à l’exploser. On dispose de robots, de détecteurs des éléments chimiques solides ou liquides sans avoir à les ouvrir. » Le métier est en perpétuelle évolution, ce qui nécessite beaucoup de formations. « Pour atteindre le stade 3 de démineurs, il faut huit années. » Si le centre de La Rochelle est sauvé, encore faut-il susciter des vocations chez les policiers, le principal corps de métier ouvert au recrutement. « C’est compliqué », admet Claude Clarès. En France, 340 démineurs sont répartis dans 19 centres à travers le territoire.
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