Sud-Ouest – Fin de vie : « Je lui ai dit que je comptais sur lui pour m’envoyer dans les étoiles »
Antoine Mesnier n’a plus le temps de ne pas vivre, depuis qu’il va mourir. « J’ai appris que j’avais la maladie de Charcot le 23 février 2022. Le jour de mes 65 ans ! » L’alignement désastre a inspiré au médecin bordelais installé au Pays basque le titre de son livre, « Bon anniversaire Antoine ! » (1). Deux cents pages à l’encre des nuits sans sommeil, urgentes, où l’ironie funèbre se fond dans la tendresse. Un bouquin manifeste, aussi, alors que le gouvernement annonce imminent un projet de loi sur la fin de vie : « J’espère contribuer à faire tomber le dernier tabou. C’est devenu le but de ma vie (2). »
Pendant quarante ans, il l’a dédiée à ses patients. « Toubib à l’ancienne », résume-t-il. Médecin de famille au risque de la sienne, curé quoi. « C’est ça ! La vocation. » Rugbyman plus que sérieux, ancien président du Stade bordelais (Sbuc), Antoine Mesnier se fait un nom dans le monde du sport. Il soigne les Zidane, Dugarry, Lizarazu de la « bonne époque » des Girondins. « J’y suis entré grâce à mes grands copains Patrick Battiston et Patrice Lestage. »
« Patrice », le fantôme d’Antoine. L’ancien défenseur de Saint-Etienne et de Bordeaux est décédé en 2010 d’une sclérose latérale amyotrophique. SLA, jargonnent les neurologues. « C’est moi qui lui ai annoncé son Charcot. » Une espérance de vie moyenne de trois ans, la trahison du corps jusqu’à dégénérescence totale des muscles. « Il m’a fait promettre de le faire partir quand il le désirerait. »
« Ce n’est pas pour faire le malin », mais Antoine Mesnier a toujours revendiqué sa finesse de diagnostic. Il élimine vite le « burn-out » avec lequel il tente sans conviction de se mentir. « Je faisais 80 km de vélo le week-end et en trois mois, j’avais perdu 7 kilos, 100 mètres me semblaient un marathon et j’avais très mal aux jambes… Au fond de moi, je savais que j’avais Charcot. »
Le médecin connaît ce qui vient. « J’ai vécu le traumatisme d’accompagner Patrice jusqu’au bout du bout. » À quoi bon ? « D’abord, je ne pense qu’au suicide. Tant que je peux le faire. Je l’envisage très concrètement. » Mais il y a Paul et Louis, ses fils. Ils l’amènent un week-end à Saint-Etienne-de-Baïgorry. « Papa, tu nous as toujours dit que c’est l’endroit au monde que tu préfères. » Une vieille histoire de « rouste » infligée par les locaux au Sbuc, malgré le déséquilibre théorique des forces et un essai du jeune Antoine. « 30 à 4, ils nous avaient mis ! Je me suis dit, « ici, il y a quelque chose de différent ». »
Fini le cabinet. Il s’établit dans le bourg, pour un temps qui enfin lui appartient. Il aime le calme. Les crêtes d’Iparla. La Nive indifférente. Les gens qui ne le sont pas. « Au début, t’es le doryphore qui débarque. Et puis un jour, au bistrot, ton café est déjà payé… » Au Bar du Trinquet, on l’appelle « Antton » et la serveuse rechigne à lui servir un rouge parce que ce n’est pas sérieux, lui si malade.
C’est à une table de l’établissement qu’Antton se confie. Lui aussi a conclu un pacte avec un ami médecin. Dans son livre, il le nomme « Gilles » ou « Gilou ».
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