Proposition de loi visant à attribuer une médaille d’honneur de l’intégration aux citoyens naturalisés ayant réussi une parfaite intégration en France

« Il ne faut pas oublier tout ce que les immigrés ont apporté à la France, les Picasso, Béart, Cioran,… C’est une chance extraordinaire pour la France. Il y a peut‑être parmi eux de futurs Aznavour, qui sait ? », lisons‑nous dans un entretien de Charles Aznavour au Parisien du 15 septembre 2015.

 

Force est de constater que l’immigration est le passé, le présent et l’avenir de notre pays. Les chiffres en témoignent : selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 3 millions de personnes ont acquis la nationalité française depuis l’an 2000, et 4 millions depuis 1982. Près d’un tiers (29 %) des enfants nés en France en 2022 ont au moins un parent né hors de l’Union européenne.

 

Plus largement, à l’échelle nationale, l’INSEE estimait en 2022 que 39,4 % des enfants de 0 à 4 ans sont issus de l’immigration sur trois générations, toutes origines confondues. En 2023, 7,3 millions d’immigrés stricto sensu (personnes nées à l’étranger) vivaient en France, soit 10,7 % de la population totale.

 

En 2024, le débat public et la chronique de notre temps sont envahis par un champ lexical aussi préoccupant qu’inquiétant, qui ne nourrit l’imaginaire collectif que « d’exemples multiples d’intégration ratée », ignorant ainsi la diversité des populations immigrées en France et leur caractère multidimensionnel.

 

Si ce débat autour de l’immigration est souvent caricatural et engendre des frictions, qui doivent nous préoccuper au plus haut niveau, ce versant peu reluisant de l’immigration occulte malheureusement une face bien plus réjouissante de notre modèle d’intégration. C’est celle qu’incarnent, dans l’humilité et la discrétion, d’innombrables individus ayant fait leurs nos intérêts, notre histoire, notre culture et nos valeurs.

 

Face à une vague d’informations inquiétantes qui positionnent en avant‑scène les manquements à l’intégration, associant systématiquement l’immigration à « la délinquance » dans la mentalité collective, toutes générations confondues, l’ambition de cette proposition de loi est de mettre en lumière « des exemples d’intégration réussie » et « la chance » que constitue l’immigration qualifiée pour la France.

 

En toute lucidité, il ne s’agit pas, à travers cette proposition de loi, de décrire une réalité idyllique de l’immigration en ignorant les problèmes majeurs que posent des flux migratoires incontrôlés ou en niant le fait que si les étrangers constituaient 7,8 % de la population en France en 2022, ceux‑ci comptaient pour 25 % des détenus dans nos prisons – soit une représentation 3 fois supérieure à leur poids démographique et une hausse de 4 points en six ans.

 

Mais il existe également une autre réalité beaucoup plus heureuse mais trop souvent tue, incarnée par de nombreuses personnes issues de l’immigration dont la volonté, le travail, le courage, ont permis une parfaite intégration dans notre pays qu’elles servent avec le même mérite et la même ferveur que tout Français de naissance.

 

Dans un contexte où le gouvernement de M. Michel Barnier, sous l’impulsion de M. Bruno Retailleau, agit pour mener une politique migratoire ferme, rationnelle et responsable dont la France a besoin, ce sont ces personnes que la création d’une médaille de l’intégration ambitionne de mettre à l’honneur. Cette mesure sucrée permet d’équilibrer des mesures salées de notre politique en matière d’immigration.  

 

Venus d’ailleurs pour lier leurs destins au nôtre, ces hommes et ces femmes forment une composante à part entière de notre Nation et de notre Histoire. Ces individus ont réussi à s’intégrer dans notre société dans un élan volontariste en surmontant les obstacles en tout genre. Ils sont l’incarnation de la solidarité, de la tradition d’accueil, de l’humanité, de la justice dont est capable la France.  

 

En tant qu’individus autonomes et respectueux des règles collectives, adhérant aux valeurs essentielles de la République telle que la laïcité, nombre d’entre eux parviennent, au prix d’efforts constants et méritoires, à nous apporter leur valeur ajoutée, leur marque de fabrique.

 

Dans un contexte où de nombreux jeunes issus de l’immigration, au chômage ou sous le seuil de pauvreté, sont à la recherche de « repères d’identification » pour sortir de cette situation, ces personnes constituent des exemples illuminant le chemin de celles et ceux qui ont fait le choix d’immigrer en France, qui sont arrivés légalement sur le territoire français, servant ainsi de modèles pour l’insertion d’étrangers désireux de s’intégrer en France.

 

Nombre d’entre elles rejettent le repli sur leur communauté et sont animés par cette fierté qui fait la cohésion de la France. Leur parcours de vie reflète, au long de ses différents épisodes, une histoire d’amour pour la France. Oui, cette diversité fait la richesse de notre pays.

 

Ces individus constituent des maillons indispensables de notre modèle de l’intégration à la française. L’auteur de ce texte propose une nouvelle décoration pour valoriser l’intégration de ces personnes courageuses et engagées, qui ont subi ou choisi l’immigration, cette page de leur histoire.

 

Certes, il ne serait pas facile de mesurer le degré d’intégration. Comme l’a très justement écrit l’historien Gérard Noiriel, on ne saurait mesurer l’intégration comme un thermomètre mesure la température mais il existe toutefois certains critères permettant d’objectiver l’assimilation d’un immigré dans sa société d’accueil et à l’aune desquels peut s’apprécier le succès d’une intégration et l’ancrage profond dans la société française.

 

Ces facteurs sont d’ordre économique, social, politique, culturel, académique, etc. Si nous devions les brosser à grands traits, nous dirions qu’une intégration est réussie lorsqu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont réunies :

– Réussite universitaire (diplôme professionnel, apprentissage, formation en alternance, etc.) ;

– Être admissible ou admis à un concours de la fonction publique ;

– Insertion professionnelle réussie (via une bonne insertion sur le marché du travail, une trajectoire de carrière ascendante, un certain sens du dévouement à l’intérêt général, l’exercice d’une profession particulièrement utile à la collectivité, l’exercice d’un emploi hautement qualifié, etc.) ;

– Entrepreneurs participant au développement de la Tech et des Start‑up en France ;

– Médecins décidant de s’installer dans les territoires ruraux les plus isolés favorisant ainsi l’accès aux soins ;

– Participation active au rayonnement de la France industrielle et à la souveraineté de la France dans les domaines différents (agriculture, recherche, médicaments, etc.) ;

– Participation active à la vie civique (via l’exercice de fonctions électives notamment locales, participation à des processus décisionnaires citoyens, dans le cadre d’initiatives collectives bénévoles) ;

– Contribution au rayonnement de la France à l’étranger ou à la préservation, la diffusion et la perpétuation des éléments de la culture française ou de son patrimoine ;

– Engagement associatif (via l’adhésion à une association non cultuelle et participation active à son fonctionnement, à sa vie et à ses objectifs) ;

– Parcours de vie valorisant le goût du travail bien fait, la persévérance et l’implication ;

 

Cette liste ne se veut ni limitative ni prescriptive. Il existe sans doute autant de façons différentes de s’intégrer qu’il y a de Français naturalisés. Il conviendra donc de s’en remettre à la sagesse des autorités compétentes pour décerner la médaille et escompter qu’elles soient en mesure de discerner in concreto les attributs d’une intégration réussie. Les données disponibles dans les ministères concernés (Intérieur, Industrie, Santé, Solidarités, Culture, Sport, Jeunesse, Vie associative, etc.) ou les instances étatiques (Caisse d’allocation nationale, France Travail) pourraient être prises en considération dans l’attribution de cette distinction.

 

Cette distinction est aussi un signe d’encouragement, une incitation à persévérer et un hommage aux multiples efforts fournis en vue d’une parfaite intégration dans la société française. Elle est aussi une marque de reconnaissance de la force intégratrice de la République.

 

La particularité de cette médaille tient au fait qu’elle n’a pas vocation à être attribuée aux personnes s’étant distinguées par l’accomplissement d’actes d’héroïsme ou de bravoure particuliers. Son ambition, plus modeste, à l’échelle humaine, vise simplement à reconnaître publiquement les mérites de citoyens ayant acquis la nationalité française en suivant un parcours d’intégration exemplaire.

 

Il s’agit de mettre en exergue le cheminement voire le parcours du combattant qu’ils ont effectué de leur communauté d’origine vers la communauté nationale, leur assimilation de nos us et coutumes, leur adhésion à nos valeurs et notre histoire ainsi que leur contribution à la bonne marche de la société dans laquelle ils ont choisi de s’enraciner.

 

Rendre hommage à celles et ceux pour qui appartenir à la Nation française est une fierté et dont la France a toutes les raisons d’être fière, telle est, en somme, l’objet de cette proposition de loi. Un message d’espoir simple mais profondément humain.

 

Les bénéficiaires de cette distinction honorifique peuvent, s’ils le souhaitent, parrainer un citoyen ayant acquis la nationalité française ou un citoyen né de parents immigrés, qui s’est inscrit à France Travail comme demandeur d’emploi. Ils peuvent choisir librement leur mode d’accompagnement.  

 

Cette démarche volontaire s’avère pertinente puisque selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la part des jeunes nés en France de parents immigrés qui n’étaient ni en emploi, ni en scolarité ni en formation était de 24 % pour les années 2020‑2021. Il s’agissait du 2e taux le plus élevé d’Europe et du monde occidental, derrière la Belgique. 

 

L’attribution de la médaille aux « citoyens naturalisés » ne donne lieu à aucune indemnité ni pension. Ses conditions d’attribution seront fixées par décret du ministre de l’Intérieur. Cette proposition de loi s’inspire en partie du décret « passeport talent » destiné aux « ressortissants étrangers ». 

 

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