Proposition de loi visant la modernisation de la kinésithérapie et l’amélioration de l’accès aux soins

La profession de kinésithérapeute représente la quatrième profession de santé en France, avec un nombre croissant de praticiens ces dernières années. Entre 2018 et 2022, plus de 10 000 nouveaux kinésithérapeutes ont rejoint la profession, faisant passer leur nombre de 86 116 à 97 790.

 

Les kinésithérapeutes jouent un rôle fondamental et polyvalent dans le système de santé, assurant la prise en charge de diverses populations, des enfants aux personnes âgées. Leur expertise est essentielle dans la rééducation post‑opératoire et post‑traumatique, facilitant une récupération rapide et réduisant les risques de complications et d’invalidités à long terme. Ils interviennent également dans la gestion des douleurs chroniques, offrant une alternative ou un complément aux traitements médicamenteux. En améliorant la mobilité et la fonction des patients atteints de maladies neuromusculaires, orthopédiques ou rhumatologiques, les kinésithérapeutes aident ces personnes à retrouver une vie plus active et autonome. Leur intervention auprès des personnes âgées est particulièrement bénéfique pour prévenir les chutes, gérer l’arthrite et améliorer l’équilibre et la coordination, contribuant ainsi à maintenir leur autonomie et leur qualité de vie.

 

En matière de prévention, les kinésithérapeutes jouent un rôle clé dans la prévention des blessures musculosquelettiques grâce à des programmes d’exercice adaptés. Leur capacité à identifier les signes précoces de troubles musculosquelettiques et autres pathologies permet une intervention rapide et efficace, prévenant ainsi des complications plus graves.

 

Dans le contexte actuel de diminution de la densité médicale, de vieillissement de la population et d’augmentation des maladies chroniques, il est nécessaire de renforcer le soutien à cette profession au bénéfice des patients et des praticiens. L’expression « mieux vaut prévenir que guérir » s’applique parfaitement à la kinésithérapie. En 2030, un tiers de la population française aura plus de 60 ans, et les personnes de plus de 65 ans dépasseront en nombre celles de moins de 15 ans. Cette augmentation de la proportion des personnes âgées aura des répercussions sur notre système de santé et la fréquence des maladies, en particulier des maladies chroniques. Une part significative de ces maladies est toutefois liée à des facteurs de risque évitables ou modifiables, rendant la prévention indispensable.

 

La loi de financement de la sécurité sociale de 2023 prévoyait initialement des rendez‑vous de prévention pour quatre professions seulement : les médecins, les pharmaciens, les sages‑femmes et les infirmières. Cependant, lors du Conseil des ministres du 12 juin dernier, le ministre délégué à la Santé a annoncé une avancée significative : les kinésithérapeutes seront prochainement intégrés dans ce dispositif. Cette inclusion, concrétisée par la proposition de loi, reconnaît enfin le rôle des kinésithérapeutes, spécialistes en prévention des troubles du mouvement, dans l’identification et le traitement des fragilités avant qu’elles ne s’aggravent. Cette évolution représente un progrès important pour les Français et pour la profession.

 

Pour être pleinement efficaces, les rendez‑vous de prévention en kinésithérapie devraient être complétés par la possibilité pour les kinésithérapeutes de prescrire de l’activité physique adaptée. Dans le contexte de vieillissement de la population et d’augmentation des maladies chroniques, améliorer l’activité physique et lutter contre la sédentarité sont des objectifs majeurs de santé publique. La prescription d’activités physiques adaptées doit être encouragée dans le parcours de soins pour prévenir les chutes, les maladies chroniques (diabète, cholestérol, lombalgie) et lutter contre la sédentarité et l’obésité. L’activité physique adaptée peut également intervenir en fin de soins de kinésithérapie, contribuant ainsi à la bonne santé des patients et limitant les récidives de chutes. Ce dispositif permet, au‑delà d’une meilleure prise en charge des patients, de réduire les coûts liés aux récidives, responsables à elles seules de 2 milliards d’euros de dépenses publiques annuelles, dont 1,5 milliard pour l’assurance maladie.

 

Le cadre légal concernant l’accès direct aux soins doit également évoluer. Actuellement expérimenté dans 13 départements, la loi du 20 mai 2023 permet l’accès direct au kinésithérapeute dans certains cas, mais ces modalités restent trop restrictives. Ce dispositif doit être généralisé à l’ensemble de la profession pour répondre aux difficultés d’accès aux soins et à l’engorgement des services d’urgence. De plus, cette réforme pourrait s’auto‑financer grâce aux économies générées, notamment en réduisant les prises en charge aux urgences. Par exemple, les entorses de cheville, qui représentent 6 000 passages aux urgences par jour selon la haute autorité de santé (HAS), pourraient être traitées directement par les kinésithérapeutes.

 

L’accès direct constitue une opportunité pour réintégrer les patients dans le parcours de soins, tout en maintenant la coordination par le médecin traitant. La proposition de loi vise à renforcer cette coordination, notamment en instituant le métier de kinésithérapeute coordonnateur, pratique déjà en place dans certains établissements et qui mérite d’être renforcer. La crise du Covid‑19 a montré l’importance de la rééducation pour les personnes vulnérables, soulignant la nécessité d’un kinésithérapeute coordonnateur pour assurer une prise en charge complète des résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

 

De plus, les kinésithérapeutes font face à un double enjeu : répondre à la demande de soins et aux enjeux de santé publique, et assurer la pérennité et l’attractivité de leur métier. La reconnaissance légale de la spécificité de leur exercice permettrait de valoriser leur formation et leur pratique professionnelle, bénéficiant ainsi aux patients et renforçant la confiance entre praticiens et patients.

 

Il est également important de renforcer la confiance entre les kinésithérapeutes et l’État. En effet, le cadre juridique actuel, rigide et inadapté, nécessite une réforme pour permettre aux professionnels de santé de déployer pleinement leur expertise. Depuis la loi du 30 novembre 1892, les professions de santé sont définies par leurs diplômes et les actes qu’elles peuvent pratiquer, souvent limités par référence aux actes médicaux. En France, cette réglementation est plus stricte que dans les autres pays européens, où l’exercice des compétences est plus flexible.

 

Dans la même logique d’évolution législatif par rapport à la pratique la dénomination actuelle de « masseur‑kinésithérapeute » ne correspond plus à la réalité de la profession. Le terme « masseur » réduit cette profession à un simple geste technique, en décalage avec l’évolution des connaissances en kinésithérapie. Il est nécessaire d’adopter le terme de « kinésithérapeute », déjà largement utilisé par les patients et les professionnels de santé, pour refléter la réalité de la pratique et valoriser la profession.

 

Enfin, les kinésithérapeutes doivent pouvoir prescrire certains actes ou médicaments, notamment des actes d’imagerie, des analgésiques et anti‑inflammatoires. L’état actuel du droit ne permet pas ces prescriptions, ce qui oblige les kinésithérapeutes à rediriger les patients vers les médecins, occasionnant des retards et des coûts supplémentaires. La prescription de médicaments est permise, mais la liste des produits prescriptibles n’est pas à jour, risquant de ne pas inclure les analgésiques ou anti‑inflammatoires nécessaires. La capacité de prescrire ces éléments est indispensable pour une prise en charge efficace et coordonnée des patients en accès direct.

 

Ainsi, l’article 1er de la présente loi prévoit l’intégration des kinésithérapeutes comme praticiens pouvant effectuer des rendez‑vous de prévention. La définition des modalités financières de ce dispositif est renvoyée aux négociations conventionnelles.

 

L’article 2 permet aux kinésithérapeutes, professionnels du mouvement et de la prévention de la perte d’autonomie, de prescrire de l’activité physique adaptée.

 

L’article 3 vise à instaurer l’accès direct aux kinésithérapeutes, permettant ainsi aux patients de consulter ces professionnels de santé sans prescription médicale préalable.

 

L’article 4 prévoit de généraliser et de conférer une reconnaissance légale au métier de kinésithérapeute coordonnateur.

 

L’article 5 vise à reconnaître les spécificités d’exercice des kinésithérapeutes.

 

L’article 6 vise à modifier le cadre légal d’exercice de la kinésithérapie en raisonnant par compétences propres de la profession, et non par actes.

 

L’article 7 prévoit de faire évoluer le nom de la profession en supprimant le terme de « masseur » à la profession de « masseur kinésithérapeute ».

 

L’article 8 permet aux kinésithérapeutes de prescrire certains médicaments et actes médicaux dans la perspective d’une évolution de la profession de kinésithérapeute qui sera de plus en plus amenée à prendre en charge les patients en accès direct. La prescription de médicaments, d’actes d’imagerie et des arrêts maladie de moins de 7 jours devient indispensable.

 

L’article 9 permet aux kinésithérapeutes de concilier leur activité professionnelle de rééducation au sein d’un établissement public de santé avec des missions d’enseignement et de recherche à l’université.

 

L’article 10 demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur l’état et les enjeux de la formation en kinésithérapie

 

L’article 11 vise à créer les conditions de financement du présent texte en créant une taxe additionnelle sur les produits liés au tabac.

 

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