Sud Ouest : La Rochelle : ce que les toxicologues disent des odeurs d’hydrocarbures qui inquiètent
Une réunion sur la situation sanitaire liée au chantier de dépollution du site Marcel-Paul (ex-Enedis) a eu lieu ce jeudi, en présence de spécialistes du Centre antipoison de Bordeaux et de l’Agence régionale de santé.
Faut-il s’inquiéter pour la santé des élèves et personnels des établissements Fénelon et Massiou ainsi que des riverains du chantier de dépollution du site Marcel-Paul (ex-Enedis) de La Rochelle où était exploitée, jadis, une usine à gaz ? Rappelons qu’après les vacances de la Toussaint, les travaux d’excavation des terres souillées dans la perspective de construction de logements ont libéré de fortes odeurs qui ont généré, chez certains, maux de tête, nausées, etc. Ce qui a conduit à la décision, sous l’égide de la préfecture, d’arrêter le chantier (après sa mise en sécurité) le 13 novembre.
Les docteurs Magali Labadie et Camille Paradis, toxicologues au Centre antipoison et de toxicovigilance de Bordeaux, ont apporté des éléments de réponse, ce jeudi matin, aux côtés des représentants de l’Agence régionale de santé (ARS), lors d’une réunion proposée aux familles. Des éléments seulement. Parce que la structure n’a été sollicitée que le 7 novembre, au lendemain des nuances olfactives les plus aiguës, alors que les craintes d’intoxication sont apparues dès le 6 septembre. Par ailleurs, les médecins ne disposent encore d’aucunes données sur le contenu des poussières transportées par les vents dans les salles de classe, jardins et maisons des riverains.
L’étude, réalisée dans un délai court pour répondre au climat d’inquiétude, a donc ses limites. Le docteur Labadie estime, par exemple, que la grille de référence pour l’évaluation de la gravité des symptômes d’intoxication signalés « n’est pas très adaptée aux pathologies environnementales ». Dommage.
Concernant les poussières que personne n’a collectées pour analyse, elle indique avoir demandé des prélèvements là où c’est encore possible pour que l’on comble cette lacune. En attendant, les données sont essentiellement tirées de l’analyse de la qualité de l’air à partir des capteurs installés sur place. Ainsi que des alertes reçues.
Ainsi, au 13 novembre, l’ARS avait reçu 250 signalements avec symptômes venant des familles via le 0 809 400 004, indique Laurent Flament, le directeur de l’antenne départementale, 75 venant d’enseignants et une vingtaine des personnels techniques ou administratifs. « Aujourd’hui, on en est à plus de 400 avec symptômes. »
Dans 70 % des cas, il s’agit de maux de tête, à 25 % de vertiges, 22 % de nausées. Viennent ensuite les conjonctivites et douleurs abdominales. Le centre antipoison a, de son côté, reçu 138 signalements dont la gravité est estimée « faible » à 95 % selon les critères sanitaires. Le docteur Labadie reconnaît, néanmoins, que la grille d’évaluation « n’est pas très adaptée aux pathologies environnementales ». La gravité est jugée « moyenne » pour 4 % des cas. Il s’agit de crises d’asthme chez des personnes déjà asthmatiques, sans que la cause soit clairement imputable aux émanations de benzène, toluène, éthylbenzène ou xylène dans l’air. L’ARS souligne, de la même façon, qu’aucune admission aux urgences ne peut être reliée, de manière indiscutable, à des cas d’intoxication éventuelle liée au chantier Marcel-Paul.
Un impact immédiat limité, donc. Sachant qu’une pollution prévalait avant le premier coup de pioche, comme partout ailleurs. « Dans un monde idéal, il n’y aurait aucun polluant dans l’air, mais ce n’est pas le cas », relève le docteur Labadie.
Peu d’inquiétude majeure, non plus, pour l’avenir. La molécule de benzène, la plus présente, a été mesurée, au plus haut, à 54,6 microgrammes par mètre cube. Or, les toxicologues expliquent que si un million de personnes étaient exposées à ce dosage 24h/24 durant trois mois (ce qui n’est jamais le cas sur place), cela augmenterait le risque de développer une leucémie pour seulement 0,3 personne.
« Toxicologiquement parlant, il n’y a vraiment pas beaucoup de risques », assure le docteur Labadie qui rassure, de la même façon, sur « l’effet cocktail » potentiel lié à la multiplicité des polluants dans l’air. « À La Rochelle, écrit le Centre antipoison, les doses sont faibles et même additionnées, l’effet cocktail ne sera pas significatif. »
Une cinquantaine de personnes, dont le représentant du député Olivier Falorni, se sont physiquement déplacées ce jeudi matin, 180 se sont connectées en ligne via Facebook.
Bon nombre de questions ont émergé de la salle de parents clairement inquiets, dans une ambiance parfois tendue. Des questions qui débordaient souvent de l’angle purement sanitaire choisi pour la réunion. Ce qui témoigne des interrogations qui restent en suspens, malgré les efforts de communication de la mairie, de la préfecture et ses services, parfois perçus comme des tentatives de minimiser les faits.
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